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d’application quel que soit le sujet de nos investigations. Cette méthode est l’analyse, c’est-à-dire l’étude de chaque cause isolée tendant à produire un effet donné. C’est à cette méthode que nous devons toutes les découvertes de Copernic, de Kepler, de Newton et de leurs successeurs ; mais c’est également celle du chimiste qui commence par constater la force isolée de chacun des divers éléments des corps et finit en concluant la loi, de l’effet qui se produit. Le physiologiste analyse ce qui est connu, dans l’espoir de pouvoir en déduire ce qui reste encore inconnu, et il emploie toujours les formules qui appartiennent à la catégorie particulière des faits dont il s’occupe. Lorsqu’il s’applique à l’étude du squelette, il emploie les formules du physicien, mais lorsqu’il étudie la composition du sang, il a nécessairement recours aux formules du chimiste, dans lesquelles se trouve comprise toute la science empruntée à l’observation des savants qui l’ont précédé. C’est cependant cette méthode que repousse M. Comte, lorsqu’il traite de la science sociale, ainsi qu’on le verra par le passage suivant :

« Il ne peut exister d’étude scientifique de la société, soit dans ses conditions, soit dans ses mouvements, si on sépare cette étude en portions diverses, et qu’on en étudie les divisions isolément. J’ai déjà fait des remarques à ce sujet, relativement à ce qu’on appelle l’économie politique. Les matériaux peuvent être fournis par l’observation de diverses branches de connaissances ; et cette observation peut être nécessaire pour atteindre le but ; mais on ne peut l’appeler science. La division méthodique des études qui a lieu dans les simples sciences inorganiques est complètement irrationnelle, lorsqu’il s’agit de la science toute récente, et si complexe, de la société, et ne peut produire aucun résultat. Un jour viendra où une sorte de subdivision pourra être praticable et désirable ; mais il nous est impossible, quant à présent, de prévoir quel peut être le principe de cette classification : car le principe lui-même doit naître du développement de la science ; et ce développement ne peut avoir lieu autrement qu’au moment où nous aurons formé de la science un ensemble[1]. »

« Dans les sciences organiques, les éléments nous sont bien

  1. Philosophie positive, traduction de Miss Martineau, tome II, page 81.