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but, il a été doté de facultés susceptibles d’être mises en jeu, mais qui ont besoin d’être provoquées à l’activité par la nécessité de triompher des forces qui l’environnent, forces dont la puissance de résistance est toujours en raison directe du secours qu’elles peuvent lui prêter, pour l’aider à accomplir de nouveaux efforts, partout où elles ont été complètement soumises à sa domination. Les sols fertiles de la terre peuvent récompenser largement ses travaux ; mais comme ils sont funestes à la vie et à la santé, il n’ose tenter de les occuper. D’où il arrive, conséquemment, qu’on le voit commencer ses travaux dans les lieux où le sol est le plus ingrat, et que, de très-bonne heure, il s’associe à ses voisins pour acquérir une nouvelle puissance ; comme dans l’Attique couverte de rochers, dans la Norvège et l’Irlande, presque entièrement emprisonnées dans les glaces, sur les plateaux élevés de la Bohème, dans la Savoie montagneuse, et sur le sol granitique de la Nouvelle-Angleterre : dans tous ces pays, nous constatons que l’habitude de l’association a existé à un degré inconnu partout ailleurs.

§ 2. — Instruments indispensables pour obtenir le pouvoir de disposer des services que rendent les forces naturelles. Ce pouvoir constitue la richesse. Les premiers pas faits dans cette voie sont les plus difficiles et les moins productifs.

Cependant, avant que Robinson pût fabriquer un arc, il eut besoin de posséder une espèce quelconque d’instrument tranchant ; et cet instrument, il l’obtint, nous le savons, sous la forme d’un morceau de silex on d’une autre pierre dure, dont il avait aiguisé le bord au moyen du frottement. De quelque côté que nous portions nos regards, même parmi les peuplades les plus sauvages, nous les voyons obtenir l’empire sur certaines forces naturelles, et cela grâce à des instruments dont la fabrication exige une certaine connaissance des propriétés de la matière. Avec la science vient la puissance, et avec l’augmentation du pouvoir exercé sur la nature, on obtient une quantité constamment croissante de subsistances et de vêtements, en retour d’efforts musculaires constamment moins considérables.

C’est là comme partout que le premier pas, en même temps qu’il est le plus difficile à faire, donne la rémunération la plus faible. Faisant d’abord usage d’une coquille, l’homme arrive ensuite à se servir d’un caillou ; de là il passe successivement au couteau de cuivre, de bronze, de fer et d’acier ; et, enfin, à la scie à mouvement circulaire, acquérant, à chaque pas, le pouvoir d’en faire un nouveau et plus important. Le fuseau et le métier, au moment où ils parurent