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un accroissement considérable dans sa part proportionnelle de la totalité des produits. Moins il y a de commerce et moins il y a demande de travail, plus est grande la facilité avec laquelle les armées peuvent se recruter, au profit de l’individu qui vit en dépouillant son voisin. Dans aucun pays du monde le commerce n’a subi une aussi grande décadence que dans l’Inde : et c’est là que nous assistons à une suite constante de guerres entreprises pour l’extension du trafic[1], guerres dont le compte de frais n’est pas présenté au peuple anglais, pour lequel elles se font, mais, ainsi que M. Cobden le dit avec tant de vérité, « aux malheureux ryots de l’Hindostan[2]. » Et, lorsqu’il se trouve que les nouveaux territoires ne donnent pas de profit, le pauvre travailleur est taxé de nouveau pour maintenir le gouvernement dans des possessions acquises de cette manière.

La population blanche et noire de la Jamaïque n’était intéressée en aucune façon aux guerres de la Révolution française ; et cependant, plus de la moitié du prix payé pour le sucre produit par cette population par leurs concitoyens anglais fut appliqué au remboursement des dépenses de ces guerres. Il en est de même de l’Irlande, écrasée d’impôts pour subvenir aux dépenses de guerres où elle n’avait rien à gagner, et dont le principal résultat était de transformer en soldats, à raison de 6 pence par jour, des millions d’individus, qui, sous l’influence d’un système différent, seraient devenus des artisans ou des cultivateurs excellents. Tout accroissement dans la nécessité d’avoir recours au transport étant une cause d’épuisement, on voit la prééminence du trafic, accompagnée en tout pays du désir de faire la guerre, considérée comme un moyen d’étendre la sphère des opérations de celui-ci. Semblable à Alexandre, le trafic aspire à conquérir de nouveaux mondes, parce qu’il voit sans cesse lui échapper les conquêtes qui devaient réaliser les espérances formées[3].

  1. « Sur dix-neuf années de la présente charte, quinze se sont passées en guerre. » (London, Daily-News.)
  2. Où aboutissent les guerres dans l’Inde, p. 56.
  3. « Le trafic ne peut d’une façon absolue s’entretenir et se développer, sans être précédé et protégé par d’autres influences qui lui frayent la route. Si nous n’avions été aveuglés par certains dogmes économiques, nous aurions appris cette vérité dans d’autres parties du globe… Nous avons pris ces exemples au hasard ; nous pourrions en grossir la liste ; mais nous en avons déjà en assez grand nombre pour prouver que l’épée peut tracer la route au commerce. que la diplomatie