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§ 4. — Déperdition constante du capital dans tous les pays soumis au système anglais.

La machine à vapeur digère le combustible, et il y a production de force. L’homme digère du combustible sous la forme de nourriture, à l’aide de laquelle il obtient la faculté d’appliquer au travail son corps ou son intelligence, ou tous les deux à la fois. Semblables, quant à ce fait, que tous deux digèrent un capital sous une certaine forme et le reproduisent sous une autre, l’homme et la machine diffèrent sur un point important : tandis que la locomotive en fer peut subsister sans nourriture, l’homme ne le peut pas. Le directeur d’un chemin de fer évite avec soin de consommer du combustible lorsqu’il n’a pas besoin des services de la machine, sachant bien qu’agir ainsi serait perdre le capital.

    grand fléau dont un pays puisse être affligé. La richesse du sol invite à l’agriculture, les routes et les rivières servent à exporter les récoltes, pour les échanger contre les produits manufacturés de contrées plus pauvres, où se trouvent placés les centres du trafic, du capital et de l’industrie. Dans l’espace de quelques siècles, ou d’un temps moins considérable, la consommation des récoltes au dehors appauvrit Le pays qui les a produites. Dans le pays doté de ce sol fertile, il ne s’élève ni villes, ni manufactures, parce que le besoin n’en existe pas. On ne se à livre pas à des occupations qui exigent de l’intelligence ou du talent ; la population est, nécessairement disséminée, ignorante et illettrée ; l’absentéisme règne généralement ; les riches quittent le pays pour leur plaisir et pour leur éducation ; les individus pauvres et entreprenants pour chercher du travail. Un ami intelligent me suggère l’idée, qu’abandonné à la nature, le mal se guérira de lui-même. Il se peut que cela soit, lorsque le pays est ruiné, si la population, comme celle de la Géorgie, est douée d’un caractère élevé et se livre à d’autres travaux que la simple agriculture, et répudie complétement les doctrines du libre-échange. L’objection de notre ami ne fait que prouver fa vérité de notre théorie. Nous sommes bien certain que l’esprit de l’homme ne peut imaginer un moyen aussi efficace pour appauvrir un pays que de s’adonner exclusivement à l’agriculture. Les ravages de la guerre, de la peste et de la famine sont promptement effacés ; il faut des siècles pour refaire un sol épuisé. Plus on gagne rapidement de l’argent dans ce pays qui jouit de la liberté du trafic, plus tôt ce pays s’appauvrit ; car l’épuisement du sol est plus considérable, et ceux qui font des récoltes abondantes en dépensent le produit au dehors ; ceux qui n’en font que de faibles le dépensent à l’intérieur. En l’absence de la liberté du trafic, ce pays si riche fabriquerait pour son propre usage, bâtirait des villes, construirait des écoles et des collèges, se livrerait à tous les travaux et pourvoirait à tous les besoins ordinaires de l’homme civilisé. C’est ainsi que l’argent gagné à l’intérieur serait aussi dépensé et placé à l’intérieur, les récoltes seraient consommées dans le pays, et chaque ville et chaque village fourniraient l’engrais qui fertiliserait le sol environnant, Nous croyons que c’est une théorie communément admise que, sans cette consommation à l’intérieur, aucun sol ne peut rester riche d’une façon durable. Il naîtrait une population compacte, parce qu’elle serait nécessaire ; les riches n’auraient plus besoin de quitter le pays natal pour leur plaisir, ni les pauvres pour trouver du travail. » (Fitzhugg. Sociologie pour le Sud, pp. 14-16.)