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battre en brèche les remparts d’une ville et à détruire la vie humaine.

Entre deux sociétés séparées par les différences que nous avons retracées plus haut, un intérêt personnel éclairé devait engager la plus forte à protéger et à fortifier la plus faible, à rendre plus facile la division des travaux et le développement de l’individualité, à augmenter la puissance d’association, dans le but de rendre sa voisine capable d’acquérir l’empire sur les forces de la nature, et d’aider ainsi au développement de la liberté et du commerce. Telle n’est pas cependant, et telle n’a jamais été la politique des nations ; et cela par la raison qu’elles n’ont été (et au plus haut point) que de purs instruments aux mains de la classe d’individus qui vit de l’appropriation : le soldat, le propriétaire d’esclaves et l’homme d’État. C’est à cette cause qu’il faut attribuer, que même en ce qui concerne les États-Unis, on a vu chez eux une disposition si prononcée à dépouiller et à opprimer leurs voisins plus faibles, — la république mexicaine et les misérables restes des peuplades indigènes. Même aujourd’hui, au lieu de donner à cette république les conseils amicaux ou l’assistance, grâce auxquels elle pourrait peut-être sortir de son état d’abaissement, le peuple américain et son gouvernement attendent avec impatience le moment où il deviendra possible de conclure de nouveaux traités, à l’aide desquels ils pourront plus facilement opérer la résolution de la société mexicaine en ses éléments primitifs, et acquérir ainsi de nouveaux territoires. Animés par l’esprit de trafic, ils cherchent à faire de bons marchés, peu soucieux de leur effet à l’égard du peuple avec lequel ils sont faits. De là vient que le trafic se développe aujourd’hui à mesure que le commerce diminue ; que les villes s’accroissent en étendue à mesure que les bourgs et les villages deviennent moins populeux ; que la propriété foncière dans les anciens États devient de moins en moins divisée ; que la centralisation politique et trafiquante remplace rapidement l’activité locale qui régnait autrefois ; que l’esclavage de l’homme est maintenant envisagé comme n’étant qu’une conséquence des grandes lois naturelles établies par le Créateur de tout le genre humain, et que la défiance a si complètement remplacé aujourd’hui la confiance qu’éprouvait autrefois la population tout entière de ce continent, pour les sentiments d’honneur et de loyauté du gouvernement américain.