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à l’égard de son voisin, et à faire connaître les moyens de payement de celui-ci, afin de pouvoir s’assurer lui-même plus tard contre une demande extraordinaire, imaginez tous les cultivateurs d’un village exposés, à tout moment, à une demande isolée, pour combler le défaut de payement d’un ou de plusieurs individus de la paroisse. Imaginez des collecteurs pour chaque comté, agissant sous les ordres d’un bureau, d’après un principe avoué, qui consiste à détruire toute concurrence pour le travail, par une égalisation générale des impositions, saisissant les fugitifs et se les renvoyant les uns aux autres. Et enfin, représentez-vous le collecteur comme le seul magistrat ou juge de paix du comté, par l’intermédiaire duquel, uniquement, peut arriver aux tribunaux supérieurs toute plainte au criminel, ou pour grief particulier. Imaginez en même temps que tout fonctionnaire subalterne, employé à la perception de l’impôt foncier, est un officier de police investi du pouvoir d’imposer une amende, d’emprisonner, de mettre au bloc, et de fouetter tout habitant résidant dans sa circonscription, sur une accusation quelconque, sans qu’on défère le serment à l’accusateur, ou que la preuve du délit soit affirmée sous la foi du serment[1]. »

Sous l’empire d’un pareil système, il ne pouvait exister aucune circulation de produits, aucun commerce ; et sans commerce, il ne pouvait, y avoir ni force, ni progrès. Quels que fussent les efforts auxquels se livrait le pauvre cultivateur, il voyait que les profits en étaient exigés pour le bénéfice du trésor ; car on lui réclamait immédiatement une rente plus considérable, toutes les fois qu’il obtenait une augmentation de produits. Dans quelques districts, on a constaté que la part du gouvernement n’était pas moindre que 60 ou 70 % sur la totalité, et cependant, à cette part, il fallait encore ajouter des taxes sur toutes les machines en usage : ce qui nécessitait des interventions de l’espèce la plus inquisitoriale et empêchait tout progrès. En fixant les taxes acquittées par les possesseurs de métiers à tisser, on exigeait que le tisserand fît connaître quel était le nombre de ses enfants et quel secours ils lui prêtaient ; et plus étaient grands les efforts de tous, plus s’élevait le montant de leurs contributions[2].

  1. Citation extraite des « Lectures de Thompson sur l’Inde », p. 61.
  2. Rickards. L’Inde, p. 500.