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taire du sol et unique seigneur — avait droit à moitié du produit brut de la terre. Sous les premiers souverains mahométans, cet impôt foncier, aujourd’hui désigné sous le nom de rente, avait été limité à un treizième et depuis à un sixième ; mais sous le règne d’Akbar (au seizième siècle) il fut fixé à un tiers, de nombreux impôts ayant été alors abolis. Avec la décadence et la dissolution graduelle de l’empire, les souverains locaux non-seulement avaient augmenté la taxe, mais encore ils avaient fait revivre plusieurs taxes dont la levée avait été suspendue, en même temps qu’ils en établissaient d’autres de l’espèce la plus vexatoire, qui toutes furent continuées par la Compagnie, pendant qu’on n’accordait aucune réduction sur le fermage[1]. De plus la Compagnie ayant le monopole du trafic pouvait fixer arbitrairement les prix de tout ce qu’elle avait à vendre, aussi bien que de tout ce qu’elle avait besoin d’acheter ; et c’est alors que fût établi un autre impôt très-vexatoire au profit du seigneur de la terre absent[2].

Avec la nouvelle extension de la puissance, les demandes faites par le trésor de la Compagnie augmentèrent, sans qu’il y eût augmentation des moyens à l’aide desquels on pût les satisfaire, l’épuisement étant une conséquence naturelle de l’absentéisme ou

  1. « Partout où la puissance britannique supplanta la puissance mahométane au Bengale, nous n’adoptâmes point, il est vrai, la partie sanguinaire de leur croyance ; mais puisant à la source impure de leur système financier, nous réclamâmes, à notre honte, l’héritage du droit de s’emparer de la moitié du produit brut de la terre à titre d’impôt ; et partout où nos armes ont triomphé, nous avons constamment proclamé ce droit sauvage en l’associant, dans le même moment, avec cette doctrine absurde, que le droit du propriétaire est également inhérent au souverain, en vertu du droit de conquête. » (Rickards. L’Inde, t. 1er, p. 275.)
  2. « L’iniquité du gouvernement anglais fut portée à un point qui semble à peine compatible avec l’existence de la société. On força les indigènes d’acheter cher et de vendre bon marché. On outragea impunément les magistrats, la police et les autorités fiscales du pays. C’est ainsi que des fortunes énormes furent amassées à Calcutta, où 30.000 êtres humains furent réduits à l’extrême misère. On les avait accoutumés à vivre sous la tyrannie, mais jamais sous une tyrannie semblable. Ils trouvèrent le petit doigt de la Compagnie plus pesant que les reins de Sujarah Dowlah. Sous leurs anciens maitres, ils leur restait au moins une ressource ; lorsque le mal devenait insupportable, le peuple s’insurgeait et renversait le gouvernement. Mais le gouvernement anglais n’était pas de ceux que l’on peut ébranler ainsi. Ce gouvernement oppresseur, comme représentant la forme la plus écrasante du despotisme barbare, était fort de toute la puissance de la civilisation. Il ressemblait au gouvernement de génies malfaisants, plutôt qu’à celui de tyrans humains. » (Macaulay.)