Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/419

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En même temps que le travail était ainsi subdivisé, et que chacun était mis à même de faire des échanges avec son voisin, les échanges entre les producteurs de substances alimentaires, ou de sel, dans une partie du pays, et les producteurs de coton et les fabricants de toile dans une autre, tendaient à donner naissance au commerce avec des individus placés à de plus grandes distances, en deçà ou au-delà des limites de l’Inde même. Le Bengale était célèbre par ses magnifiques mousselines, dont on faisait une consommation considérable, à Delhi, et généralement dans l’Inde septentrionale ; tandis que la côte de Coromandel était également célèbre pour l’excellence de ses perses et de ses calicots, et abandonnait à l’Inde occidentale la fabrication des étoffes d’une qualité plus grossière et de qualité inférieure de toute espèce. Sous l’empire de pareilles circonstances, il n’y a pas lieu d’être surpris que le pays fût riche, et que sa population, bien que surchargée d’impôts, et souvent pillée par des armées envahissantes, jouît d’une haute prospérité.

Depuis l’époque de la bataille de Plassey, événement qui établit la puissance anglaise dans l’Inde, la centralisation se développa avec rapidité, et, ainsi qu’il arrive ordinairement en pareil cas, le pays se remplit d’aventuriers, gens, pour la plupart, sans principes, et dont le but unique était d’amasser une fortune par tous les moyens même les plus iniques, ainsi que le savent bien tous ceux qui connaissent les dénonciations de Burke, empreintes d’une si vive indignation[1]. L’Angleterre s’enrichit ainsi, à mesure que l’Inde s’appauvrit, et que la centralisation se consolida de plus en plus.

Peu à peu la puissance de la Compagnie s’étendit, et partout fut adopté le principe hindou, que le souverain — comme proprié-

  1. « Le pays fut transformé en solitude par le fer et le feu, et cette terre qui s’élevait au-dessus de la plupart des autres, par le spectacle si doux à considérer d’un gouvernement fraternel et de la protection accordée au travail, cette terre, le séjour d’élite de l’agriculture et de l’abondance, est aujourd’hui, pour ainsi dire, un désert effrayant couvert de joncs et de ronces et de jungles remplis de bêtes féroces… — Cette violation générale et systématique des traités, qui a rendu proverbiale dans l’Orient la foi britannique ! ces révoltes calculées, forment une des ressources perpétuelles de la Compagnie des Indes. Lorsque l’on croit que l’argent a été accumulé quelque part, ceux qui le possèdent sont généralement accusés de rébellion, jusqu’au moment où ils sont déchargés, à la fois, de leur argent et de l’accusation ! Une fois l’argent enlevé, toute accusation, procès ou châtiment sont mis à néant. » (Discours au sujet du bill de Fox sur l’Inde.)