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dersi la dépense des revenus à l’intérieur est plus avantageuse pour le pays que si elle avait eu lieu à l’étranger[1]. »

Un autre économiste distingué s’exprime ainsi :

« Un grand nombre de personnes se trouvent dans un état de perplexité, en considérant que les denrées qui sont exportées comme des remises prises sur le revenu du propriétaire absent, sont des exportations en échange desquelles on ne reçoit rien en retour ; qu’elles sont perdues pour le pays aussi bien que si elles constituaient un tribut payé à un état étranger, ou même que si on les jetait périodiquement dans la mer. C’est là une vérité incontestable ; mais il faut se rappeler que tout ce qui est consommé d’une façon improductive est, aux termes mêmes de la proposition, anéanti sans produire aucune chose en retour[2]. »

Cette manière de voir, ainsi que le lecteur s’en apercevra, est fondée sur l’idée de la destruction complète des denrées consommées. Lors même qu’elle serait exacte, il en résulterait, cependant, qu’il y aurait eu transfert, de l’Irlande en Angleterre, de la demande de services de toute sorte, tendant à amener une hausse du prix du travail dans l’un des deux pays, et une baisse de ce même prix dans l’autre ; mais si elle est complètement inexacte, il en résultera nécessairement que la perte pour un pays sera aussi considérable que si les remises en question « étaient un tribut payé à un État étranger, ou même que si elles étaient jetées périodiquement dans la mer. » Le lecteur peut se convaincre facilement que ce dernier cas est le cas réel. L’homme consomme beaucoup, mais il n’anéantit rien. Lorsqu’il consomme de la nourriture, il agit simplement comme une machine destinée à préparer les éléments dont elle se compose, pour une production ultérieure ; et plus il peut enlever à la terre, plus il peut lui restituer, et plus sera rapide le progrès de la puissance productive du sol.

Si le marché est rapproché, il recueille d’une acre de terre des centaines de boisseaux de navets, de carottes et de pommes de terre, ou des tonnes de foin, variant chaque année la nature des produits qu’il cultive ; et plus il emprunte à la terre, cette vaste banque, plus il peut facilement la rembourser, plus il peut per-

  1. Principes d’Économie politique, trad. par Aug. Planche, p. 114-175.
  2. Senior, Esquisse de l’Économie politique, p. 160.