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heureux lorsque, parmi eux, un individu parvenu à l’âge adulte pouvait trouver du travail à raison de 6 pence par jour, sans être ni vêtu, ni logé, ni même nourri.

L’existence d’un pareil état de choses, disaient les défenseurs du système qui tend à transformer tous les pays situés hors de l’Angleterre en une seule et immense ferme, devait s’expliquer par ce fait, que la population était trop nombreuse pour la terre ; et cependant un tiers de la superficie, renfermant les terrains les plus fertiles du royaume, restait inoccupé et inculte. « Parmi les comtés particuliers, dit un écrivain anglais, Mayo, avec une population de 389.000 individus et un état de revenus qui n’est que de 300.000 liv., possède une superficie de terrain de 1.364.000 acres sur lesquelles 80.000 sont en friche. Une étendue qui n’est pas moindre que 470.000 acres, c’est-à-dire presque égale à la totalité de la superficie cultivée aujourd’hui, est déclarée revendicable. Galway, avec une population de 423.000 individus et un revenu évalué à 433.000 liv. sterl., a plus de 700.000 acres de terres incultes, dont 410.000 sont revendicables. Kerry, avec une population de 293.000 individus, possède une superficie de 1.186.000 acres, dont 727.000 sont incultes et 400.000 revendicables. Même l’Union des Glenties, appartenant à lord Monteagle, et le nec plus ultrà d’une population surabondante, possède une superficie de 245.000 acres, sur lesquelles 20.000 sont incultes, et dont la plus grande partie est revendicable pour sa population de 43.000 individus. La baronnie d’Ennis, cette abomination de la désolation, contient 230.000 acres, pour ses 5.000 pauvres, proportion qui, ainsi que le fait remarquer M. Carter, un des principaux propriétaires, dans son avertissement circulaire à ses tenanciers, constitue le chiffre d’une famille seulement par 230 acres ; de telle façon que si un seul membre de la famille était occupé sur une étendue de 230 acres, il n’y aurait pas un seul pauvre en proie au besoin dans toute l’éten-

    porte de leurs cabanes, n’ayant pas d’ouvrage, ayant à peine de quoi manger, et à ce qu’il semble sans aucun espoir. De robustes paysans s’étendent dans leur lit, parce qu’ils ont faim, parce qu’un homme couché a moins besoin de nourriture qu’un homme debout. Un grand nombre de ces malheureux ont arraché de leurs petits jardins les pommes de terre avant leur maturité, et, pour exister aujourd’hui, doivent songer à l’hiver où ils auront à souffrir, en même temps, et de la faim, et du froid. » (Thackeray.)