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nécessaires pour acheter des machines coûteuses, et pour adopter tous les perfectionnements réalisables, de quelque nature qu’ils fussent, tandis que la seconde était hors d’état de le faire. Il arriva, comme conséquence naturelle, que les manufactures irlandaises cessèrent peu à peu d’exister, à mesure que l’Acte d’Union eut son effet. En vertu des dispositions de cet Acte, les droits établis par le parlement irlandais, en vue de protéger les fermiers de l’Irlande dans leurs efforts pour rapprocher d’eux plus étroitement les artisans, devaient diminuer graduellement, jusqu’à ce que le libre échange fût complètement établi ; ou, en d’autres termes, Manchester et Birmingham devaient accaparer le monopole de l’approvisionnement de l’Irlande en drap et en fer. La perception du droit sur les laines anglaises devait continuer pendant vingt ans. Les droits presque prohibitifs, dont étaient frappés les calicots et les mousselines de l’Angleterre, devaient être prorogés jusqu’en 1808 ; après cette époque ils devaient diminuer graduellement, pour cesser, finalement, d’être perçus en 1821. Les droits sur le fil de coton devaient être abolis en 1810. L’effet produit par ces mesures, pour diminuer la demande du travail irlandais, se révèle dans ce fait, que les chefs de manufactures de Dublin, dont le nombre, en 1800, ne s’élevait pas à moins de 91, était tombé à 12 en 1840 ; que le nombre de bras employés avait diminué dans la proportion de 4.918 à 602 ; et que les cardeurs de laine et les fabricants de tapis avaient presque entièrement disparu. Il en était de même à Cork, à Kilkenny, à Wicklow et dans tous les autres centres manufacturiers. Dans la première de ces villes, se trouvaient en grand nombre les filateurs de coton, les blanchisseurs d’étoffes et les imprimeurs sur calicots, en même temps que, dans la dernière, les tisseurs de tresse et de laine grossière, les bonnetiers et les tisseurs d’étoffes de laine se comptaient par milliers ; tandis qu’en 1834, la totalité des individus se livrant à ces travaux ne dépassait pas le chiffre de 500[1].

  1. « Pendant près d’un demi-siècle l’Irlande avait entretenu le trafic parfaitement libre avec le plus riche pays du monde ; et qu’est-ce que ce libre trafic a fait pour elle, dit l’auteur d’un ouvrage récent très-remarquable. Même aujourd’hui l’Irlande n’a d’autre travail, pour sa population si féconde, que celui de la terre. Elle devrait avoir, et pourrait avoir eu facilement, d’autres travaux variés et en grand nombre. Devons-nous ajouter foi, dit l’auteur, à cette imputation calomnieuse, que les Irlandais sont paresseux et ne veulent pas travailler ? La nature humaine, en Irlande, est-elle différente de celle de tout autre pays ? Les Irlandais ne sont-ils