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§ 3. — Phénomènes sociaux, tels qu’ils se présentent dans l’histoire de l’Irlande.

A l’époque de la révolution de 1688, la fabrication des étoffes de laine faisait de rapides progrès en Irlande[1]. Mais le gouvernement de Guillaume et Marie, pour répondre à la requête qui lui était adressée par les marchands de Londres, s’engagea à décourager cette fabrication dans le but d’amener forcément en Angleterre l’exportation des matières premières, tandis qu’on en prohibait l’exportation dans les pays étrangers. On ne permit l’importation des étoffes ou des fils de laine, de l’Irlande en Angleterre, qu’en passant par certains ports ; mais leur exportation aux colonies aussi bien que celle des autres produits manufacturés, fut complètement prohibée. Les navires irlandais furent ensuite privés de toute participation aux bénéfices des lois sur la navigation, en même temps qu’on leur interdisait les pêcheries. Le sucre ne put être importé que par la voie de l’Angleterre ; et comme on n’accordait pas de prime pour son exportation en Irlande, celle-ci se trouvait ainsi taxée pour l’entretien du gouvernement étranger, en même temps qu’elle entretenait le sien propre. Tous les produits coloniaux devaient être transportés d’abord en Angleterre, après quoi ils pouvaient être embarqués pour l’Irlande ; on exigeait que le voyage d’importation se fit sur des navires anglais, manœuvrés par des matelots anglais et possédés par des négociants anglais ; on augmentait ainsi, dans la proportion la plus élevée, la taxe de transport, en même temps qu’on refusait au peuple irlandais toute participation à l’emploi des taxes ainsi perçues.

En même temps que, dans les limites du possible, on leur interdisait tous les travaux tendant à la diversité des industries, et qu’on leur ôtait ainsi la faculté de s’associer au profit de leurs intérêts, on les engageait, par toute espèce de moyens, à se borner à la production des denrées demandées par les manufacturiers anglais ; la laine, le chanvre et le lin étaient admis en Angleterre sans payer de droits. Les hommes, les femmes et les enfants étaient regardés comme des instruments que le trafic avait à mettre en œuvre ; et là,

  1. « C’est alors qu’a disparu le numéraire enlevé au trafic en Angleterre et transporté en Irlande ; et notre peuple également avec ce numéraire fabrique du drap et le fournit à bon marché dans tous les endroits où nous expédions notre drap, et porte en Hollande des étoffes de laine et des vivres à bon marché et paye l’argent de nouveau en retour en quatre années. » (Yarranton. Progrès de l’Angleterre, par terre et par mer, Londres, 1673, p. 182.)