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époque, il est établi que l’exportation annuelle du sucre[1] s’est élevée à 980.346 quintaux, dont la vente en bloc, sans compter le droit, a donné en moyenne 1 liv. sterl. 14 schell. 8 pence par quintal, ce qui forme un total de 1.699.421 liv. sterl. ; dont, toutefois, une part si considérable a été absorbée par le fret, les droits de commission, l’assurance, etc., qu’il est constaté que le produit net de 775 domaines à sucre ne s’est élevé qu’à 726.992 liv. sterl., soit moins de 1.000 liv. par domaine. Si maintenant aux 973.000 liv. sterl. ainsi déduites, on ajoute la part du gouvernement (12 schell. 3 d. par quintal), et les autres frais à acquitter avant que le sucre parvint au consommateur, on verra que le producteur ne recevait qu’un quart du prix auquel il se vendait. Le colon n’était donc guère autre chose que le surveillant d’esclaves que l’on faisait travailler au profit du gouvernement de la Grande-Bretagne et non à son profit personnel. Placé, d’une part, entre l’esclave qu’il était obligé d’entretenir, et de l’autre, le créancier hypothécaire, les marchands et l’État, qu’il était obligé d’entretenir également, il ne pouvait s’attribuer que la part qui lui était laissée ; et lorsque la récolte était abondante et que les prix baissaient, il était ruiné. On peut établir les conséquences d’un pareil état de choses par ce fait, que dans les vingt années postérieures à cette époque, on ne mit pas en vente, par le ministère du shérif, moins de 177 domaines, en même temps que 92 restaient invendus entre les mains des créanciers, et que 55 autres étaient complètement abandonnés. Lorsqu’on voit de pareilles choses, il n’est pas difficile de comprendre la cause de la mortalité excessive qui sévit dans les îles appartenant à l’Angleterre. Le colon, ne pouvant accumuler les instruments à l’aide desquels il eût commandé les services de la nature, était obligé de ne compter que sur la force brutale, et il lui était plus facile d’acheter cette force, toute prête à fonctionner, sur la côte d’Afrique, que de la créer sur ses propres plantations. D’où il résultait qu’il fallait un approvisionnement constant de nègres pour maintenir le niveau de la population ; et c’est pourquoi l’on a vu que, de tous ceux qui avaient été importés, il ne s’en trouvait plus guère qu’un sur trois au jour de l’émancipation[2].

  1. Macpherson, t. IV, p. 255.
  2. Le total des nègres importés dans les iles anglaises ne peut avoir été de moins