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dus furent forcés de rester producteurs de denrées à l’état brut, ne pouvant entretenir aucun commerce entre eux que par l’intermédiaire d’un peuple placé à une distance de plusieurs milliers de lieues, qui employait sa puissance, non-seulement à interdire la formation des manufactures, mais encore à empêcher la diversité des travaux de l’agriculture elle-même. A la Jamaïque, on avait essayé de cultiver l’indigo ; mais il se trouva que, sur le prix auquel il se vendait en Angleterre, une part si considérable était absorbée par les armateurs, les négociants commissionnaires et le gouvernement, que la culture en fut abandonnée. Celle du café fut introduite sur une grande échelle, et, comme il croît sur des terrains plus élevés et plus salubres, elle y eût été très-avantageuse pour la société ; mais là, comme pour l’indigo, une part si faible revenait au producteur, que la production fut presque complètement abandonnée, et ne fut sauvée que grâce à une transaction qui consistait à réduire les droits du gouvernement à un schelling par livre. Le produit évalué étant d’environ 750 livres de café, pouvant être livrées au commerce, donnait environ 180 dollars par acre[1]. Le résultat ultime du système fut d’anéantir tout commerce entre les individus, même celui qui avait existé antérieurement entre ceux qui produisaient le café, d’une part, et, de l’autre, ceux qui avaient du sucre à vendre, toute culture étant abandonnée, à l’exception de celle de la canne, la plus funeste de toutes pour la vie et pour la santé.

En même temps qu’on prohibait ainsi le commerce entre ces individus, on leur interdisait toute relation avec les nations étrangères, excepté par l’intermédiaire de navires, de ports et de marchands anglais. Cependant, on sanctionna le trafic avec les Africains ; car l’Afrique fournissait des esclaves ; et ce trafic fut continué sur la plus vaste échelle, la plus grande partie de la demande, faite par les colonies espagnoles, étant fournie par les îles appartenant à l’Angleterre. Toutefois, en 1775, la législature coloniale, voulant empêcher l’excessive importation des nègres, imposa un droit de 2 liv. sterl. par tête ; mais les marchands de l’Angleterre ayant fait une pétition contre ce droit, le gouvernement de la métropole en ordonna l’abrogation[2]. A cette

  1. Dallas. Histoire des nègres marrons, t. I.
  2. Macpherson, t. III, p. 574.