Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ce désir, c’est, ainsi que le lecteur l’a déjà vu, l’absence de ces différences qui résultent de la diversité des travaux et qui rendent l’homme apte à l’association. Le but que l’on cherchait à atteindre, au moyen des lois que nous avons citées plus haut, c’était d’empêcher ces différences, et de perpétuer un état social, où la population des autres pays continuerait à n’être que simple cultivatrice du sol, contrainte de l’épuiser constamment, à raison de la nécessité d’expédier au dehors ses produits à l’état le plus grossier, et de s’épuiser constamment elle-même, par suite des transports énormes auxquels ces produits étaient soumis. Ces transports, à leur tour, entraînaient la dispersion, qui augmentait constamment, à cause de la nécessité toujours croissante de s’adresser à des sols nouveaux et plus éloignés, en même temps qu’il y avait augmentation constante dans la part proportionnelle du travail de la société, qu’il fallait appliquer au trafic et au transport, et diminution dans la part proportionnelle qui pouvait être consacrée à la production des articles à transporter ou à échanger.

C’était, en réalité, le sacrifice du commerce sur l’autel du trafic, et ce sacrifice tendait nécessairement à l’asservissement de l’homme dans toutes les sociétés où il pouvait être imposé par la force[1].

  1. On peut se convaincre que les divers objets que se proposait le système étaient exactement tels que nous l’avons retracé, en lisant les passages suivants empruntés à un ouvrage qui dans son temps a joui d’une certaine autorité. (Gee, sur le commerce) publié en 1750 :
      — « Les manufactures dans les colonies américaines doivent être découragées, interdites. »
      — « Nous devons toujours tenir les yeux ouverts sur nos colonies, pour les empêcher d’établir aucune des fabrications auxquelles on se livre en Angleterre ; et il faut contrarier les tentatives faites dans ce sens, dès le principe ; car si on laisse ces fabrications se développer et grandir il deviendra difficile de les supprimer, »
      — « Nos colonies sont, à beaucoup d’égards, dans le cas où se trouvait l’Irlande, au moment où elle commença à fabriquer ses étoffes de laine, et à mesure que leur population augmente, elles arriveront à élever des manufactures pour se vêtir elles-mêmes, si l’on ne prend les mesures convenables pour leur trouver un travail, à l’aide duquel elles créeront des produits qui leur permettront de se pourvoir chez nous de tout ce qui leur est nécessaire, »
      — « Comme elles s’assureront pour elles-mêmes la production des matières premières nous en aurons la fabrication. Si l’on encourage la production du chanvre, du lin, etc., il ne faut douter en aucune façon que bientôt les colons ne commencent à fabriquer, à moins qu’on ne les en empêche, Conséquemment pour arréter le progrès de toute industrie semblable, nous proposons qu’aucun tisserand n’ait la liberté d’é-