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des millions d’individus périssent par la famine dans une autre. Il en est de même partout, en l’absence de cette diversité de travaux qui constitue un marché dans le pays même, ou dans son voisinage. « En Russie, dit un voyageur moderne, une saison propice et une récolte abondante ne garantissent pas au fermier une année fructueuse. » Les prix dépendant, ainsi que cela a lieu, des accidents et des changements qui surviennent dans les pays éloignés, peuvent, continue-t-il, être tout à coup tombés si bas, qu’aucune combinaison matérielle de circonstances ne peut devenir avantageuse pour lui. « Il se trouve ainsi victime de circonstances » sur lesquelles il ne peut exercer aucun empire quel qu’il soit. « Complètements hors d’état d’agir lui-même sur le prix des grains, ce prix dépend de la demande faite pour les pays étrangers, des facilités de communication et de sa position par rapport à eux, ainsi que d’une foule d’autres causes pouvant agir accidentellement sur un pays immense (mais où la population est peu compacte) subissant à ses points extrêmes, l’influence de températures très-différentes, exposé dans le cours de la même année, à la disette et à l’abondance qui ont lieu sur des points éloignés du territoire, entre lesquels c’est pur hasard s’il existe un moyen quelconque de communication[1] » Le tableau offert ici, est celui de toutes les contrées purement agricoles ; leurs récoltes sont presque complètement absorbées par les frais de transport, à cause de la distance excessive à laquelle le consommateur se trouve placé à l’égard du producteur. De là vient que l’esclavage, ou le servage, règne dans les pays où les travaux ne sont pas diversifiés.

Il y a soixante ans, l’utilité des produits de l’Ohio était très-insignifiante, si insignifiante qu’il fallait, disait-on alors, tout ce qu’une acre de terre pouvait rendre « pour payer une culotte. » Il y a trente ans, l’utilité de ces produits avait augmenté considérablement, mais cependant elle était très-ordinaire, la plus grande partie étant appliquée à nourrir les individus et les chevaux qui transportaient ces produits au marché ; tandis que la valeur de toutes les denrées dont le fermier avait besoin, était tellement considérable, qu’il fallait 15 tonnes de froment pour payer une seule tonne de fer. La population de cet État exerçait alors peu d’em-

  1. Oliphant. Les bords Russes de la mer Noire, p. 134