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années du règne de Louis XIV sont empoisonnées par la nécessité de solliciter une paix qu’on ne consent à accorder qu’aux conditions dictées par Marlborough et le prince Eugène[1].

Les guerres entreprises par Louis XV et Louis XVI frayèrent bientôt le chemin à la Révolution ; pendant cette époque disparut toute autorité royale, et l’on vit l’arrière-petit-fils du fondateur de Versailles, payer de sa tête, sur la place de la Révolution, toute la splendeur passée du trône. L’ordre étant rétabli de nouveau, et pour la cinquième fois, nous voyons tous les efforts du pays consacrés, une fois de plus, à détruire tout pouvoir d’association entre les diverses agglomérations sociales de l’Europe. De nouveau l’Espagne et l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne furent ravagés par l’invasion des armées, et la France fit voir encore quel est le résultat d’une constante immixtion dans l’action des autres peuples : une faiblesse complète à l’intérieur, sa capitale deux fois envahie par des armées étrangères et deux fois son trône occupé sous l’influence directrice de souverains étrangers[2].

L’ordre encore une fois rétabli, nous voyons les flottes et les

  1. « Vauban et Boisguilbert ont décrit, en termes pathétiques, le triste abaissement de la puissance productive de la France, en ces temps déplorables : Il ne leur restait plus que les yeux pour pleurer, disaient-ils de nos pères, et force nous est de croire à la réalité de leurs malheurs, confirmés par d’aussi nobles témoignages. Ce fut en cet état que Louis XIV mourant laissait notre pays. Jusqu’au dernier moment, son ministère avait vécu d’expédients misérables. On l’avait vu réduit à multiplier des charges ridicules pour tirer quelque argent des nouveaux titulaires ; et tandis que l’Angleterre et la Hollande empruntaient à 3 ou à 4 p.%, les traitants faisaient payer, au roi de France, 10, 20, et jusqu’à 50 p.%, L’énormité des impôts avait épuisé les campagnes, veuves de leurs laboureurs par suite des consommations de la guerre ; le commerce était devenu presque nul, l’industrie décimée par la proscription des Protestants, semblait condamnée à perdre toutes les conquêtes dues au génie de Colbert. » (Blanqui, Histoire de l’Économie politique. Paris, Guillaumin, 1842. Tom. II, p. 64-65).
  2. De 1803 à 1815, douze campagnes nous coûtent près d’un million d’individus morts sur le champ de bataille, ou dans les prisons, sur les routes ou dans les hôpitaux.
      Deux invasions ont détruit ou anéanti sur le sol de la vieille France, un capital de quinze cents millions, représenté par des produits naturels, ou des manufactures, des maisons, des ateliers, des machines et des animaux indispensables à l’agriculture, à l’industrie manufacturière ou au commerce. Comme prix de la paix au nom de l’alliance, notre pays s’est vu forcé de payer quinze cents millions de plus, pour devenir incapable de reconquérir trop promptement sa prospérité, son bien-être, sa splendeur et sa puissance. Considérez dans l’espace de douze ans, neuf mille millions de francs, enlevés à l’industrie productive de la France, et perdus sans retour. Nous