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qui sont en progrès, il n’en existe pas deux où le degré de progrès soit le même. Dans quelques parties de la terre, les lieux qui jadis étaient occupés par d’immenses agglomérations d’individus, sont aujourd’hui complètement abandonnés ; tandis qu’en d’autres la malheureuse portion restante vit dans un état de pauvreté, de misère et d’esclavage, bien qu’elle cultive les mêmes terres qui, autrefois, nourrissaient des milliers d’individus riches et vivant dans la prospérité ; et de là l’on s’est hâté de conclure que les sociétés ont une tendance naturelle à traverser, successivement, les diverses formes de l’existence qui aboutissent à la mort physique et morale ; mais assurément les choses ne se passent pas ainsi en réalité. Il n’y a aucun motif naturel pour qu’une société quelconque ne réussisse pas à devenir plus prospère d’année en année ; et lorsque cela n’a pas eu lieu, ça a été la conséquence de causes perturbatrices dont chacune a besoin d’être étudiée isolément, si l’on veut comprendre jusqu’à quel point elle a tendu à produire l’état de choses existant ; mais préalablement à cette étude, il est nécessaire que nous comprenions quelle serait la marche des choses, si de pareilles causes n’existaient pas. Le médecin, bien qu’on ne lui demande pas de traiter l’individu qui jouit d’une parfaite santé, commence invariablement ses études par constater quelle est l’action naturelle de l’organisation ; cela fait, il se sent capable de se livrer à l’examen des causes perturbatrices, par suite desquelles la santé et la vie sont constamment détruites. La physiologie est le préliminaire indispensable de la pathologie, et cela est aussi vrai de la science médicale que de la science sociale.

Maintenant que nous avons complété l’étude de la physiologie de la société, en montrant ses progrès vers une forme naturelle et stable, nous consacrerons les chapitres suivants à sa pathologie, dans le but de constater quelles ont été les causes du déclin et de la chute des diverses sociétés qui ont péri ; et en même temps pourquoi le degré de progrès est si profondément différent, dans les sociétés qui existent aujourd’hui.

§ 13. — La théorie de M. Ricardo conduit à des résultats directement contraires, en prouvant que l’homme doit devenir de plus en plus l’esclave de la nature et de ses semblables. Caractère antichrétien de l’économie politique moderne.

La théorie de Ricardo, relative à l’occupation de la terre, conduit à des résultats complètement contraires à ceux que nous avons retracés plus haut. Si l’on commence l’œuvre de la culture sur les sols les plus fertiles, qui sont toujours ceux des vallées, il suit