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comme matériaux et comme instruments. Toutefois, longtemps auparavant, le sauvage a été accoutumé à opérer des changements dans la forme de la matière ; son arc a été fabriqué avec du bois, et la corde de son arc avec les nerfs du daim ; son canot l’a été avec une écorce, en même temps qu’on l’a muni d’une peau de bête en guise de voile ; mais c’est vers une époque un peu plus avancée du progrès humain qu’il nous faut tourner nos regards, en ce qui concerne les travaux des hommes se rattachant à la transformation des minerais en instruments, ou du coton et de la laine en vêtements. Les métaux précieux, l’or, l’argent et le cuivre, se trouvant tout prêts ou à peu près pour les besoins, ainsi que les fruits et les animaux sauvages, sont employés de bonne heure pour l’ornement ; mais le fer, ce grand instrument de civilisation, et le charbon minéral, cet agent si important qui sert à transformer le fer natif, ne comptent que parmi les derniers triomphes de l’homme sur les forces puissantes de la nature.

Ce sont donc les métaux, et les terres, branches-racines, qui correspondent à la branche principale, dans leur rapport nécessaire et dans la date de leur développement. C’est l’époque du progrès scientifique ; et c’est là que, en conséquence, nous rencontrons des phénomènes exactement d’accord avec ceux que nous avons observés par rapport à l’occupation de la terre, et sur lesquels a déjà été appelée l’attention du lecteur. Le cultivateur des terrains fertiles est mis à même de revenir, avec une augmentation de force, aux terrains plus ingrats qui avaient été occupés en premier lieu ; et il arrive alors que, développant leurs qualités latentes, il les place au premier rang sur la liste, où, jusqu’à ce jour, ils ne figuraient qu’au dernier, ainsi qu’on l’a vu sur une si grande échelle en Angleterre et en France[1].

  1. Dans l’ouvrage qu’il a récemment publié (Des Systèmes de culture), M. Passy apprend à ses lecteurs que, dans les pays où l’agriculture a fait des progrès, « les terrains qui, autrefois, étaient regardés comme trop pauvres pour mériter d’être cultivés d’une façon continue et régulière, sont regardés aujourd’hui comme les meilleurs ». Et après avoir retracé l’état des choses à cet égard, en Belgique et en France, il ajoute : « Qu’en Angleterre c’est un fait établi, en différents comtés, que les terres appelées bonnes terres sont affermées à raison de 22 à 25 schellings par acre, tandis que celles que l’on regardait autrefois comme pauvres, se louent au prix de 30 à 35 schellings. » Des changements analogues, ainsi qu’il le démontre, sont aujourd’hui en voie de s’accomplir en France.