Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accroissement constant dans la possibilité de devenir eux-mêmes possesseurs de ces instruments. A mesure que s’améliore la qualité des instruments dont l’usage est nécessaire pour l’accomplissement des échanges, le producteur et le consommateur acquièrent un empire constamment croissant sur les produits de leur travail, en même temps qu’il se manifeste invariablement une tendance à se rapprocher davantage les uns des autres, et à s’affranchir complètement de la puissance du trafiquant.

Le trafic tendant nécessairement à la centralisation, chaque pas fait dans cette direction, soit dans le monde moral, soit dans le monde physique, est un pas qui rapproche de l’esclavage et de la mort. Le commerce, au contraire, tendant à l’établissement de centres locaux et d’une action locale, chaque mouvement accompli dans ce sens rapproche de la liberté. Tout ce qui tend à augmenter le pouvoir de l’un, tend aussi à annuler l’individualité et à diminuer la puissance d’association ; mais tout ce qui tend à accroître la puissance de l’autre, tend à développer l’intelligence et à augmenter le désir de l’association ainsi que la faculté de jouir des avantages immenses qui en découlent en tout pays.

Les mouvements du trafic dépendant en grande partie, ainsi que ceux de la guerre, de la volonté des individus, sont nécessairement très-irréguliers. Réunis dans l’enceinte de villes considérables, les trafiquants n’ont pas de peine à combiner leurs opérations, lorsqu’il faut déprimer les prix des denrées qu’ils cherchent à se procurer, ou faire hausser ceux des denrées qu’ils possèdent déjà ; et c’est ainsi qu’ils obtiennent le pouvoir de lever une taxe, à la fois, sur les producteurs et sur les consommateurs. Le commerce, au contraire, tend à produire la fixité et la régularité, et à diminuer ainsi la puissance du trafiquant. La régularité du mouvement est indispensable à sa continuité, ainsi que le savent bien toutes les personnes familiarisées avec le jeu des machines. Une machine à vapeur qui, mise en action, serait irrégulière dans ses mouvements, ne pourrait donner, comme produit, du drap ou de la farine de bonne qualité ; et la machine elle-même ne pourrait continuer d’exister longtemps. Quelque faibles que soient les changements produits par un léger excès de vapeur à un moment donné, ou par un manque correspondant dans un autre moment, on a jugé nécessaire d’imaginer un régulateur dont l’action tendît à produire un