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l’union de ces deux éléments, et immédiatement une combinaison se manifeste ; il en est de même à l’égard de l’homme. Si Robinson n’eût possédé que l’usage de ses yeux, et que Vendredi, privé de la vue, eût joui uniquement de l’usage de ses bras, l’association entre eux aurait eu lieu immédiatement. La société consiste dans des combinaisons résultant de l’existence de différences, de l’existence de diverses individualités parmi les individus dont elle se compose ; et plus est parfaite la proportion réciproque dans chacun des divers éléments, plus doit être considérable la tendance à la combinaison des efforts, ainsi que nous l’avons déjà débouté. Parmi les sociétés purement agricoles, l’association existe à peine ; tandis qu’on la trouve développée à un haut degré, là où l’on voit le fermier, l’homme de loi, le marchand, le charpentier, le forgeron, le maçon, le meunier, le filateur, le tisserand, l’entrepreneur de bâtiments, le fondeur de minerai, l’affineur de fer et le fabricant de machines, former des parties intégrantes de la société.

Il en est de même par rapport au monde inorganique, la puissance de combinaison se développant avec l’accroissement des différences, mais toujours d’accord avec la loi des proportions définies, à laquelle la chimie est redevable de cette précision qu’elle n’eût jamais pu atteindre sans elle. Placez mille atomes d’oxygène dans un récipient, et ils demeureront immobiles ; mais, dans ce récipient, introduisez un seul atome de carbone, et mettez en jeu leurs affinités réciproques, immédiatement il y aura production de mouvement, une certaine portion du premier élément se combinera avec le second et formera l’acide carbonique. Les autres parties d’oxygène continueront à rester immobiles. Si, cependant, on introduit successivement des atomes d’hydrogène, d’azote et de carbone, il se formera de nouvelles combinaisons, jusqu’à ce qu’enfin le mouvement se soit produit dans toutes les parties ; mais dans chaque cas de combinaison accomplie successivement, les proportions seront aussi définitivement fixées qu’elles l’ont été dans le premier ; et il en est de même dans le monde inorganique tout entier.

Les choses se passant ainsi en ce qui concerne toute autre matière[1], il en doit être de même par rapport aux combinaisons

  1. En parlant de la loi des proportions définies, M. Comte s’exprime en ces termes : « L’insuffisance de la théorie, par rapport aux corps organiques, fait voir