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but de faire adopter les noms de chrématistique, de catallactique, ou d’autres encore, qui excluraient expressément l’idée, que l’intelligence et l’individualité morale de l’homme pussent rentrer dans le cercle des recherches de l’économiste. Il est vrai que ces noms n’ont jamais été adoptés ; mais la simple intention manifestée à cet égard, par des économistes distingués, est une preuve de la nature complètement matérielle du système, et il nous a été démontré que tel est en effet son caractère, dans un document très-remarquable émanant de l’un des hommes les plus distingués parmi les économistes français (M. Dunoyer) qui apprend à ses lecteurs :

« Que la plupart des livres d’économie politique, jusqu’aux derniers y compris les meilleurs, ont été écrits dans la supposition, qu’il n’y avait de richesses réelles, ni de valeurs susceptibles d’être qualifiées de richesses, que celles que le travail parvenait à fixer dans des objets matériels. Adam Smith, dit-il en continuant, ne voit guère de richesse que dans les choses palpables[1]. J.-B. Say débute en désignant par le nom de richesse, des terres, des métaux, des grains, des étoffes, etc., sans ajouter à cette énumération aucune classe de valeurs non réalisées dans de la matière. Toutes les fois, selon Malthus, qu’il est question de la richesse, notre attention se fixe à peu près exclusivement sur les objets matériels. Les seuls travaux, d’après Rossi, dont la science de la richesse ait à s’occuper, sont ceux qui entrent en lutte avec la matière pour l’adapter à nos besoins. Sismondi ne reconnaît pas pour de la richesse les produits que l’industrie n’a pas revêtus d’une forme matérielle. Les richesses, suivant M. Droz, sont dans tous les biens matériels qui servent à la satisfaction de nos besoins. L’opinion la plus vraie, ajoute-t-il, est, qu’il faut la voir dans tous les biens matériels qui servent aux hommes. Enfin, dit M. Dunoyer, l’auteur de ces lignes ne peut oublier qu’il a eu à soutenir, il y a à peine quelques mois, un long débat, avec plusieurs économistes, ses collègues à l’Académie des sciences morales, sans avoir pu réussir à leur persuader, qu’il y a d’autres

  1. Adam Smith mérite moins un pareil reproche qu’aucun des auteurs dont il est ici question. Personne ne peut lire son ouvrage sans demeurer convaincu, que dans toutes les parties qui le composent, il n’a jamais perdu de vue que le progrès moral et intellectuel était compris dans la sphère de l’économie politique. On verra clairement démontrée la vérité de ce que nous avançons, dans une note annexée à l’une des pages postérieures.