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revenu. Il est clair, toutefois, que le travail accompli par la chute d’eau est aussi complètement gratuit que celui du vent agissant sur un moulin. La seule différence entre ces deux cas consiste en ceci : que tout homme pouvant, à son gré, utiliser les services du vent, personne ne peut intercepter à son profit la bonté de la nature, et exiger un prix pour une chose qu’elle accorde libéralement, tandis que A, en appropriant la chute d’eau, et, par conséquent, en acquérant le pouvoir d’en disposer, peut complètement empêcher qu’on n’en fasse usage, ou vendre les services qu’elle rend[1]. »

Nous apercevons ici la même contradiction que nous avons déjà signalée dans la Richesse des nations. On nous assure que le travail est la source unique de la richesse, la cause unique de la valeur ; et, cependant, le principal article parmi les valeurs de ce monde se trouve entre les mains d’individus, qui, suivant notre auteur, « interceptent à leur profit la bonté de la nature et exigent un prix pour une chose qu’elle accorde libéralement ; » et ce prix, ils peuvent le demander, parce qu’ils ont pu « acquérir la faculté de disposer » de certaines forces naturelles, et empêcher qu’elles ne fussent utilisées par ceux qui ne consentent pas à payer, à celui qui en est propriétaire, « les services qu’elles leur rendraient. »

Ainsi, d’après ces deux autorités, il existe deux causes de la valeur, le travail et le monopole, la première restant la seule pour ce qui regarde tous les produits spontanés de la nature ; et les deux causes se combinant par rapport à la terre, la grande source de toute production.

C’est ainsi que M. Ricardo assure à ses lecteurs, que le prix payé pour l’usage de la terre doit se diviser en deux parts ; 1a première, que l’on peut demander en retour du travail « employé à améliore la qualité de cette terre, et à construire les bâtiments nécessaires pour garantir et conserver les produits, et la seconde, que l’on paye au propriétaire pour l’usage des facultés productives, primitives et impérissables du sol ; » et cette dernière doit s’ajouter encore, à celle que l’on pourrait demander pour l’usage de tout autre instrument parmi ceux qui concourent à la production.

M. Say nous apprend :

  1. Principe d'économie politique, trad. par Augustin Planche. Première partie, chap. 1er. Paris, Guillaumin, 1851, 2 vol. in-8o.