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tour, seront suivis de triomphes nouveaux et plus importants.

§ 5. — Quelles sont les choses auxquelles nous attachons l’idée de valeur ? Pourquoi y attache-t-on de la valeur ? Quel est leur degré de valeur ?

Le lecteur qui désire maintenant vérifier par lui-même l’exactitude des idées qui lui ont été présentées jusqu’à ce moment, peut le faire facilement sans quitter la chambre où il se tient assis. Qu’il porte d’abord les regards autour de lui, et qu’il voie quelles sont les choses auxquelles il attache l’idée de valeur. En se livrant à cet examen, il trouve qu’au nombre de ces choses n’est pas compris l’air qu’il aspire constamment, et sans lequel il ne pourrait vivre. En lisant pendant le jour, il trouve qu’il n’attache aucune valeur à la lumière, ni dans l’été à la chaleur. Si c’est pendant la nuit qu’il se livre à la lecture, il attache une valeur au gaz qui lui fournit la lumière ; et pendant l’hiver au charbon de terre, ou au bois, dont la combustion réchauffe ses membres. En recherchant ensuite pourquoi il attache une idée de valeur à l’une de ces choses et non à l’autre, il trouve que la raison en est, que la première est fournie gratuitement par la nature, en quantités abondantes, et dans les lieux et au moment où l’on en a besoin ; tandis que pour obtenir la dernière, il faut dépenser une certaine somme de travail humain. La nature fournit la houille dans une proportion illimitée et gratuitement, ainsi que l’air ; mais il faut quelques efforts pour amener cette houille au lieu où elle doit être consommée. Les matières dont on fait les chandelles sont également fournies en abondance ; mais pour les changer de lieu et de forme, de manière à les approprier aux besoins de l’homme, il faut appliquer une certaine somme de travail ; et c’est à raison de la nécessité de vaincre l’obstacle qui empêche la satisfaction de nos désirs, que nous apprécions la houille et la chandelle, tandis que nous n’attachons aucune valeur à la lumière du jour, ou à la chaleur de l’été.

Si le lecteur se demande ensuite combien de valeur il attache au siège sur lequel il est assis, à la table sur laquelle il écrit, au livre qu’il lit, ou à la plume à l’aide de laquelle il trace des caractères, il trouve que cette valeur est limitée par le prix de reproduction ; et que plus il s’est écoulé de temps depuis que ces divers objets ont été fabriqués, plus est considérable l’abaissement de cette valeur au-dessous du prix de production. La plume, qui vient d’être fabriquée à l’instant, peut être remplacée, rien que par la dépense de la même somme de travail qui a été nécessaire pour la produire ; et sa valeur ne change pas. Le siège et la table, qui ont