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rable. Si notre insulaire, au lieu de trouver un voisin, eût été assez heureux pour trouver une femme, il se serait établi un semblable système d’échanges. Il poursuivrait le gibier, tandis qu’elle ferait cuire les aliments et transformerait les peaux en vêtements. Il produirait le lin et elle le convertirait en un tissu. La famille devenant nombreuse, l’un de ses membres cultiverait la terre, tandis qu’un second procurerait la nourriture animale nécessaire à son entretien, et qu’un troisième s’occuperait de la direction du ménage, de la préparation des aliments et de la confection des vêtements ; on verrait alors un système d’échanges, aussi complet dans sa succession que celui de la ville la plus considérable.

§ 2. — L’idée de comparaison se lie d’une façon indissoluble à celle de valeur. Les denrées et les choses diminuent de valeur, à mesure que la puissance d’association et la combinaison des efforts actifs deviennent de plus en plus complètes.

L’idée de comparaison se lie d’une façon inséparable à celle de valeur ; nous estimons qu’un daim vaut le travail d’une semaine et un lièvre celui d’un jour ; c’est-à-dire qu’en échange de ces animaux, nous donnerions volontiers cette quantité de travail. L’habitant isolé d’une île a donc ainsi un système d’échange établi, avec une mesure de valeur exactement semblable à celle en usage parmi les divers membres d’une société considérable. Lorsque cet habitant rencontre un autre individu, les échanges se forment entre eux, et sont régis suivant les mêmes lois, que lorsqu’ils s’accomplissent entre des nations dont la population se compte par millions.

En mesurant la valeur, la première idée, et la plus naturelle, est de comparer les denrées avec la résistance qu’il a fallu vaincre pour se les procurer, ou en d’autres termes, avec le travail physique et intellectuel qu’on a donné en échange de ces denrées. Dans l’échange, le mode le plus évident, c’est de donner travail pour travail. La terre de A donne plus de fruit qu’il n’en peut consommer, et celle de B plus de pommes de terre. Aucune ne possède de valeur dans son état actuel, et chaque individu peut approprier l’une ou l’autre à son gré. Comme il convient parfaitement à chacun de récolter ce qui est le plus à sa portée, chacun aussi veut que l’autre individu travaille ainsi pour lui, en recevant du travail en échange. Cependant chacun désirant avoir une quantité aussi considérable que celle qu’il pourrait se procurer, avec la même somme d’effort, veille avec soin à ne pas donner plus de travail qu’il n’en reçoit.

Nos colons ayant ainsi établi entre eux un système d’échanges,