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mêmes terres, le comblement des canaux et la concentration de la population sur un sol plus élevé et moins productif. Si de là, nous passons à la province romaine, nous voyons ces terres autrefois si fertiles, les plaines de la Metidja, de Bône et autres, presque entièrement, sinon tout à fait abandonnées, tandis que la population qui subsiste encore se groupe autour des montagnes de l’Atlas. En considérant ensuite l’Italie, nous voyons une population croissante, soumettant à la culture ces riches terrains de la Campanie et du Latium, destinés à être de nouveau abandonnés peu à peu, et n’offrant aujourd’hui qu’une misérable subsistance à des individus dont la plupart cheminent vêtus de peaux de bêtes, et dont le nombre ne dépasse guère celui des villes qui jadis étaient si florissantes en ce pays. En nous dirigeant vers le Nord, nous verrons les terres fécondes de la république de Sienne cultivées jusqu’au XVIe siècle, à l’époque où le cruel vainqueur de Marignan rejeta vers les montagnes les faibles restes de la population échappés au fer de l’ennemi, et transforma en un désert pestilentiel les fermes si bien cultivées qu’on y voyait auparavant en si grand nombre. Plus au Nord on peut constater la destruction des canaux de Pise et l’abandon de son sol fertile, tandis que ses habitants meurent de la peste dans l’enceinte de la ville, ou se transportent vers la source de l’Arno, pour y chercher les moyens de subsistance que ne leur offrent plus, désormais, les terrains plus riches situés à son embouchure.

En France, à l’époque des guerres avec les Anglais, nous voyons les pays de vallées, et les plus fertiles, ravagés par des bandes de féroces montagnards, le farouche Breton, le cruel Gascon et le Suisse mercenaire, unis pour piller les hommes qui cultivaient un sol plus fécond et les contraignant à chercher un refuge dans la sauvage Bretagne elle-même. Nous pouvons voir les terres les plus riches du royaume complètement dévastées ; la Beauce, l’une de ses parties les plus fertiles, redevenue une forêt, tandis que, de la Picardie aux bords du Rhin, il ne reste debout aucune maison, si elle n’est protégée par les remparts d’une ville, ni une ferme qui ne soit saccagée. Plus tard, la Lorraine fut convertie en un désert, et l’on vit de magnifiques forêts aux mêmes lieux, où jadis le sol le plus fertile récompensait libéralement le travailleur. Sur toute l’étendue de la France, nous constatons les effets d’une guerre perpétuelle, dans la concentration de toute la population agricole au sein des villa-