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la contrée ; et c’est là que nous trouvons le sol le plus ingrat, qui ne peut guère donner que de l’agrostis ou de la fougère. Ne pouvant se procurer des subsistances à l’aide de l’agriculture, les Hollandais cherchèrent à les obtenir par l’industrie et le commerce. La richesse et la population continuèrent à se développer, et avec leur développement vint le défrichement des bois, le dessèchement des marais et la mise en culture des terrains fertiles qu’on avait tant évités dans le principe, jusqu’au jour où nous reconnaissons la Hollande comme la plus riche nation de l’Europe.

§ 7. — Marche de la colonisation dans la Péninsule Scandinave, en Russie, en Allemagne, en Italie, dans les îles de la Méditerranée, en Grèce et en Égypte.

Plus au nord, nous rencontrons un peuple dont les ancêtres, quittant le voisinage du Don, traversèrent les riches plaines de l’Allemagne septentrionale, et finirent par choisir pour leur demeure les montagnes arides de la Péninsule scandinave, comme la terre qui leur convenait le mieux dans leur position actuelle[1]. Dans l’état d’infécondité où se trouvait alors le sol en général, les parties moins fertiles furent celles où l’on s’établit d’abord. Partout, dans toute l’étendue du pays, on constate la répétition des mêmes faits

  1. La raison de ce fait nous est ainsi démontrée, avec la plus grande exactitude, par l’un des voyageurs les plus éclairés de nos jours, qui a étudié avec une extrême attention chaque partie de la péninsule scandinave : « Quel motif, dit-il, aurait pu pousser une population d’émigrants, venue du Tanaïs (le Don), sur les rives duquel la tradition fixe primitivement leur séjour, à se diriger vers le nord après avoir atteint les bords méridionaux de la Baltique, à traverser la mer pour s’établir sur les rochers déserts et inhospitaliers et sous l’âpre climat de la Scandinavie, au lieu de se répandre sur les pays plus favorisés du ciel, au sud de la Baltique ? — Nous faisons une appréciation erronée des facilités comparatives qui existaient pour se procurer les subsistances, aux premiers âges du monde, dans les pays septentrionaux et dans les pays méridionaux de l’Europe. Si une peuplade de Peaux-Rouges, sortie des forêts de l’Amérique, eût été transportée tout à coup, du temps de Tacite, dans les forêts de l’Europe situées au-delà du Rhin, où auraient-ils trouvé, vivant dans ce qu’on appelle l’état de chasseur, c’est-à-dire dépendant pour leur subsistance des productions spontanées de la nature, où auraient-ils trouvé, disons-nous, répandus avec profusion les moyens et les facilités de pourvoir à leur existence ? Incontestablement dans la péninsule Scandinave coupée par d’étroits bras de mer, par des lacs et des rivières regorgeant de poissons, et dans un pays couvert de forêts où abondent non-seulement tous les animaux de l’Europe qui servent à la nourriture de l’homme ; mais encore où l’on peut, dans les nombreux lacs, rivières, étangs et précipices de ce parc de chasse, se les procurer et les atteindre, avec bien plus de facilité qu’au milieu des plaines sans bornes sur lesquelles, depuis le Rhin jusqu’à l’Elbe, et de l’Elbe à la Vistule, il faudrait cerner les animaux sauvages pour les arrêter dans leur fuite. » (Laing, Chroniques des Rois de la mer. Dissertation préliminaire, p. 39.)