Page:Carey - Principes de la science sociale, Tome 1.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ligne du chemin de fer de Panama, percée à travers les jungles épaisses qui se reproduisaient presque aussi rapidement qu’elles avaient été détruites. Abandonnée à elle-même, cette ligne serait presque envahie de nouveau par ces jungles dans l’espace d’une année, la destruction des matières mortes étant, en ce pays, en raison directe de la croissance de la matière vivante. Sur les flancs de Costa-Rica et de Nicaragua, on voit des terres d’une fertilité incomparable, complètement inoccupées, tandis qu’on peut apercevoir partout des villages indiens à mi-chemin des montagnes sur des terres qui se drainent elles-mêmes[1].

En portant nos regards plus au sud, et remarquant la position de Santa Fe de Bogota, et la ville de Quito, centres de population où les habitants se groupent sur les terrains élevés et secs, tandis que la vallée de l’Orénoque[2] reste inoccupée, le lecteur verra se produire sur une grande échelle le même fait, dont nous avons démontré l’existence dans de faibles proportions sur le bord des rivières de Pennsylvanie. Puis, faisant une halte sur les pics du Chimboraçao, et jetant les yeux autour de lui, il apercevra le seul peuple civilisé, à l’époque de Pizarre, occupant le Pérou, pays élevé et sec, où le drainage s’effectue par de petits ruisseaux dont le courant rapide a empêché qu’il ne se formât des marais où la matière végétale pourrait périr, afin de rendre un sol riche pour la pro-

  1. « La totalité de J’immense territoire de Costa-Rica, à l’exception des vallées supérieures que j’ai citées, forme une forêt impénétrable, connue seulement des animaux carnassiers qui parcourent ses profondeurs, inaccessibles au soleil, et de quelques peuplades indiennes indépendantes ; mais cette forét recèle des richesses qui se trouveront inépuisables, le jour où les ressources naturelles du pays se seront développées, par suite de l’immigration, sur une grande échelle, d’une race d’hommes plus robustes. Le sol est d’une fertilité merveilleuse et renferme dans son sein quelques mines très-riches. Mais les immigrants ne doivent pas oublier que si cette fécondité est un garant de la richesse qu’ils peuvent acquérir, elle atteste en même temps les obstacles considérables contre lesquels ils auront à lutter. En effet, elle est produite par l’extrême humidité de l’atmosphère et par les pluies continuelles qui durent sept mois dans les parties colonisées du pays ; et que l’on peut dire durer toute l’année, dans les districts qu’ils devront arracher à l’état de désert. » (Correspondance de la Tribune de New-York.)
  2. « Des inondations, s’élevant à une hauteur de 40 pieds et au-delà, sont fréquentes à cette époque de l’année dans les grands fleuves de l’Amérique du sud ; les ilanos, de l’Orénoque sont transformés en une mer intérieure. Le fleuve des Amazones inonde les plaines qu’il traverse sur une vaste étendue. Le Paraguay forme des lagunes qui, ainsi que celles des Xarays, ont plus de 300 milles de long, et filtrent insensiblement pendant la saison de sécheresse. (Guyot, La Terre et l’Homme, p. 136.)