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l’homme avait toujours commencé l’œuvre de culture sur les terrains fertiles, et qu’alors les subsistances avaient été abondantes ; mais qu’à mesure que la population avait augmenté, ses successeurs s’étaient vus forcés d’avoir recours à des terrains de qualité inférieure, qui n’accordaient à leur labeur qu’une rémunération de moins en moins considérable, en même temps qu’il y avait tendance constante à l’excès de population, à la pauvreté, à la misère et à la mortalité. S’il en était ainsi, il ne pourrait rien exister qu’on pût appeler l’universalité, dans les lois naturelles auxquelles l’homme est soumis ; car, en ce qui concerne toutes les autres sortes de matières, nous le voyons invariablement s’adresser d’abord à celles qui sont inférieures, et passer, à mesure que la richesse et la population se développent, à celles qui sont supérieures, avec une rémunération constamment croissante pour son travail. Nous l’avons vu commencer par la hache formée d’un caillou tranchant, et passer successivement à l’usage de la hache de cuivre, de bronze et de fer, jusqu’au moment où il est arrivé enfin à celle d’acier ; nous l’avons vu abandonner le fuseau et la quenouille pour le métier à filer et la mécanique, le canot pour le navire, le transport à dos d’homme pour le transport sur les wagons du chemin de fer, les hiéroglyphes tracés sur des peaux par un pinceau grossier pour le livre imprimé, et la société grossière de la tribu sauvage, chez laquelle la force constitue le droit, pour la communauté sociale organisée, où l’on respecte les droits des individus, faibles sous le rapport du nombre ou de la puissance musculaire. Après avoir étudié ces faits et nous être convaincus que telle a été la marche suivie par l’homme, en ce qui concerne toutes les choses autres que la terre, nécessaires pour la culture, nous sommes portés à croire que là aussi il en a dû être de même, et que cette théorie invoquée, en vertu de laquelle l’homme devient de plus en plus l’esclave de la nature, à mesure que la richesse et la population se développent, doit être une théorie fausse.

§ 2. — Théorie de Ricardo. Elle manque de cette simplicité qui caractérise constamment les lois de la nature. Elle est basée sur la supposition d’un fait qui n’a jamais existé. La loi, ainsi que le prouve l’observation, est directement le contraire de la théorie qu’il a proposée.

Il y a aujourd’hui quarante ans que M. Ricardo communiqua au monde sa découverte sur la nature et les causes de la rente et les lois de son progrès[1], et, pendant presque tout ce laps

  1. L’auteur établit sa théorie dans les termes suivants : « Lorsque des hommes font un premier établissement dans une contrée riche et fertile, dont il suffit de cultiver une très-petite étendue pour nourrir la population, ou dont la culture