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2° Cette tendance existe à un faible degré en ce qui concerne les formes les plus humbles de la vie, la matière ne tendant à prendre, que dans une proportion arithmétique, les formes de pommes de terre, de navets et de choux, de harengs et d’huîtres ;

3° Lorsque, cependant, nous atteignons la forme la plus élevée que la matière soit susceptible de revêtir, nous trouvons que la tendance à prendre cette forme augmente dans une proportion géométrique ; comme conséquence de ce fait, tandis que l’homme tend à croître en nombre dans la proportion des chiffres 1, 2, 4, 8, 16 et 32, les pommes de terre et les choux, les pois et les navets, les harengs et les huîtres n’augmentent que dans la proportion de 1, 2, 3 et 4 ; d’où découle ce résultat, que la forme la plus élevée dépasse perpétuellement les formes inférieures, et engendre la maladie de l’excès de population.

Si de pareils faits étaient affirmés relativement à toute autre chose que l’homme, on les regarderait comme absurdes au plus haut degré, et l’on exigerait que les individus qui les avancent expliquassent comment on aurait ainsi mis à l’écart une loi universelle. Partout ailleurs l’augmentation dans la quantité est en raison inverse du développement. Il faut des quantités innombrables de petits insectes corallifères pour élever des îles destinées à des animaux et à des individus humains qui se comptent par milliers et par millions. Il faut des milliers d’individus de la Clio Borâlis pour fournir une bouchée à l’énorme baleine. La lignée d’un couple de carpes pourrait, nous dit-on, en une seule décade, croître jusqu’au chiffre de plusieurs millions. D’innombrables fougères préparent le sol, pour un seul chêne ; et les petits nés d’une seule paire de lapins compteraient par millions au bout d’une vingtaine d’années, tandis qu’il n’en naîtrait pas une douzaine d’un couple d’éléphants. Et lorsque nous atteignons la forme la plus élevée que la matière puisse revêtir, nous apprenons qu’il existe une loi nouvelle et supérieure, en vertu de laquelle la population humaine s’accroît dans une proportion géométrique, tandis que la multiplication des harengs, des lapins, des pommes de terre, des navets, et de toutes les autres denrées nécessaires à son usage, n’a lieu que dans une proportion arithmétique ! Telle est la loi extraordinaire proposée par Malthus, applicable au seul être auquel a été inculqué le désir de l’association, comme nécessaire pour concorder avec la condition unique de son existence ;