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Sans être heureux, il supportait avec une grande et aimable résignation la singulière situation que le malheur lui avait créée dans le monde ; et quand les douloureux souvenirs du passé lui revenaient à l’esprit, il les chassait comme des mauvaises pensées.

Un dimanche matin du mois d’août, le vieux muet était allé entendre la première messe selon son habitude. Il communiait tous les dimanches avec une piété et une ferveur qui édifiaient tout le monde.

Ce dimanche-là, il remarqua que le célébrant était un prêtre étranger qui paraissait courbé sous le poids des ans.

La vue de ce prêtre produisit sur lui une impression étrange, indéfinissable ; le son de sa voix lui alla au cœur, et y jeta un trouble indicible. Cette figure, il l’avait vue déjà… cette voix, il l’avait entendue… Mais où, quand ?…

À la communion, lorsque le célébrant déposa l’hostie sur la langue du vieux muet, sa main tremblait comme une feuille, et les paroles liturgiques semblaient s’attacher à son gosier.

Jean-Charles revint à sa place avec une lenteur inaccoutumée et qui surprit les fidèles.

Sa figure était devenue d’une pâleur effray-