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LES BELLINI.

Grand Conseil ; il allait être nommé peintre officiel de la République. Sa bottega était la plus active du nord de l’Italie et, malgré son extrême fécondité, il ne pouvait satisfaire aux commandes qui lui étaient adressée par la Seigneurie, par les Scuole et par les princes des cours voisines de Venise.

Ses disciples enthousiastes s’emparaient avidement de ses inspirations et multipliaient à l’envi les répliques de ses œuvres. Son art rayonnait sur tout le nord de l’Italie. Par Caselli, il pénétrait, à Parme, par Lattanzio, il gagnait Rimini, par Vicenzo, il dominait Trévise.

Le maître n’avait pourtant encore exécuté aucune des œuvres qui consacrèrent définitivement sa popularité et qui le firent considérer, par la postérité, comme le premier peintre de Madones, après Raphaël. Il était encore, comme Gentile, comme Jacopo, un primitif ; le plus vivant, le plus gracieux des primitifs, mais conservant malgré tout le caractère archaïque de l’école. Comme en témoigne l’intéressante correspondance d’Isabelle de Gonzague, il reculait à l’idée d’exécuter un sujet mythologique et se trouvait tiraillé entre les tendances traditionalistes de son génie et de son école et le mouvement irrésistible des goûts et des idées de son temps.

Pour calmer ses scrupules religieux, sans pourtant heurter de front le courant de la Renaissance, il semble avoir choisi un moyen terme : en dehors de ses travaux à la salle du Grand Conseil, il continuera à mettre son pinceau au service exclusif de la légende chrétienne, mais