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passent, et qu’on ne peut rappeler ; une de ces âmes rencontrées sur le chemin, dans la foule, un moment, et qui laissent au cœur tant de regrets qu’on se demande de quel nom nommer cet attrait mystérieux, et cette certitude d’une amitié perdue. J’avais répondu au lieutenant Calloc’h. Quatre ou cinq lettres échangées et une visite d’une demi-heure : c’est tout ce que nous eûmes de commun dans la vie, et je ne pense plus à lui qu’avec douleur.

Un après-midi, le 23 mars dernier, je vis entrer chez moi un homme de haute taille, robuste de corps et de visage, noir de cheveux, l’air sombre et fermé. Il s’assit devant moi, face au jour. Il tournait entre ses doigts son képi comme un béret. À peine avions nous dit quelques mots qu’il sourit, et que je reconnus toute la Bretagne timide, délicate et profonde. Il répondait par monosyllabes, autant que possible, mais le sourire était une phrase, et même plus.

— Vous êtes de l’île de Groix, monsieur ?

— Oui.

— Permettez moi de vous interroger : c’est une présentation. Que faisait votre père ?

— Pêcheur.

— Et votre mère ?

— Cultive la terre.

— Je suis sûr qu’elle est une de ces mamans tendres, comme j’en connais plusieurs, qui vivent dans l’inquiétude, à cause de leur fils.

— Elle est habituée à attendre.

— L’île est croyante, n’est-ce pas ?

— Oh ! oui.

— Et la terre est bonne ?

Un long sourire où toute l’île fut présente.