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JOURNÉE III, SCÈNE IV.

ment vous aurez justice de la nouvelle Jézabel, mais vous serez reine d’Angleterre, et pour qu’il n’y ait point de difficulté, je vous ferai prêter aujourd’hui même serment de fidélité par les grands du royaume. Ensuite je m’occuperai de votre mariage avec Philippe d’Espagne, fils de Charles-Quint, et honneur de la Flandre. — Que l’on convoque mes vassaux pour la prestation du serment.

l’infante.

Ah ! sire, dans un jour si triste pour vous et pour moi, ne songeons pas à des fêtes… Remettons cette cérémonie à un autre jour.

le roi.

Non, ne me répliquez pas, ce doit être aujourd’hui. Puisque je n’ai pu rétablir votre sainte mère sur le trône, je vous y ferai asseoir, vous sa fille. Du haut du ciel qu’elle habite, elle goûtera une certaine joie en voyant cet acte de justice, et ce sera pour Anne de Boleyn un affreux désespoir… Si toutefois le sort de cette dernière n’est pas encore accompli. — Allez vous vêtir pour cette cérémonie.

l’infante.

Vous l’ordonnez, j’obéis ; car votre volonté est ma loi.

Elle sort.
le roi.

Ah ! combien, combien je suis coupable !

Entre THOMAS DE BOLEYN.
boleyn.

Vos ordres sont exécutés.

le roi.

Il suffit. Maintenant préparez tout pour la prestation du serment. — Vous m’entendez ?

boleyn.

Je vous ai servi aveuglément dans une chose d’une bien autre importance. Je vous servirai de même dans celle-ci.

Il sort.
le roi.

Comment pourrai-je soutenir la vue du plus lamentable spectacle que le soleil ait jamais éclairé depuis la création du monde ? (On entend le son des instruments.) Voici le signal. Ne trahissons pas la douleur qui remplit mon âme. Montrons-nous à tous les yeux tranquille et affable. J’ai besoin de tout mon courage. Dieu puissant, daigne conduire mon vaisseau au milieu des écueils où il navigue !

Il sort.