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JOURNÉE III, SCÈNE II.

wolsey.

Quoi mes peines sont pour vous une consolation !

la reine.

Oui, puisque, — toute pauvre que je suis, je vous puis secourir. Prenez, prenez cette chaîne.

wolsey.

Si le ciel vous a faite aussi sensible aux maux des autres que vous êtes libérale, ne me refusez pas une consolation après m’avoir accordé vos secours, — et je vous serai reconnaissant toute ma vie.

la reine.

Puisque vous désirez savoir qui je suis, — sachez-le : Si vous êtes le plus malheureux des hommes, je suis, moi, la plus infortunée des femmes. Je donnerais beaucoup, Wolsey, pour vous consoler. (Elle soulève son voile.) Me reconnaissez-vous ?

wolsey.

Ah ! je vois en vous l’âme la plus belle, la plus sainte que l’univers puisse adorer. — Oh ! combien on se trompe souvent dans ses bienfaits. Jugez vous-même si je dis vrai, puisque Anne de Boleyn m’exile et que Catherine me secourt.

marguerite.

Madame, j’aperçois des hommes d’armes qui viennent de ce côté.

wolsey.

Ils viennent sans doute à ma recherche. S’ils me trouvent, s’ils m’arrêtent, ils me tueront. — Ah ! je ne veux pas leur donner cette joie. Je me punirai moi-même. Je vais me précipiter du haut de ces rochers, et ainsi ma mort sera l’image de ma vie.

Il sort.


Entrent le CAPITAINE, l’INFANTE, et des Soldats.
le capitaine, à la Reine.

Le roi mon seigneur vous envoie, bannie de la cour et déshéritée du trône, la princesse Marie.

l’infante.

Mon père ne pouvait pas me procurer une plus grande joie. Car si je vis près de vous, madame, que m’importent la couronne et le sceptre ?

la reine.

Moi non plus je ne regrette pas la couronne et le sceptre, je ne regrette pas le monde. Tout ce que je désire, c’est de ne pas vous perdre. — (Au Capitaine.) Comment se porte le roi ?

le capitaine.

Votre vertu vous a bien inspirée. — (Il lui donne une lettre.) Voici la réponse qu’il m’a ordonné de vous remettre.

la reine.

Ah ! je dois être morte, puisque je me meurs pas avec un si grand sujet de joie… en voyant dans mes mains une lettre du roi mon seigneur ! — Y a-t-il au monde un plus grand bonheur, une plus