Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/364

Cette page a été validée par deux contributeurs.
354
LE SCHISME D’ANGLETERRE.

wolsey.

Sire, j’ai voulu seulement épargner à votre majesté les importunités de ces mendiants.

le roi.

Je vous crois. Mais le meilleur moyen, c’était de venir au secours de ces braves gens avec l’argent que vous avez à moi. Dès ce jour vous n’êtes plus mon chancelier ; je confisque vos biens, amassés par l’avarice et la rapine, et qui appartiennent à ces pauvres soldats. (Aux Soldats.) Vous pouvez aller piller ses maisons, je vous y autorise.

wolsey.

Ainsi il ne me restera que mes regrets et mes larmes, et vous ne me laissez rien pour vivre ?

le roi.

J’aurais pu vous ôter la vie… vous l’avez mérité. Je vous la laisse pour vous punir davantage. Oui, vivez, vivez ; car le plus cruel supplice pour un avare et pour un ambitieux, c’est de se voir sans biens et sans pouvoir.

Il sort.
premier soldat.

C’est bien fait ! je suis content de vous voir ainsi puni.

Il sort.
wolsey.

Maintenant cet homme passe devant moi sans crainte ni respect.

deuxième soldat.

Je souhaitais vivement un jour comme celui-ci. C’est un juste châtiment du ciel !

Il sort.
wolsey.

Se peut-il que ces hommes me traitent ainsi ? — Ah ! vienne bientôt le terme de ma vie, pour qu’elle serve d’enseignement aux ambitieux !

pasquin, contrefaisant Wolsey.

Sors, Pasquin, sors à l’instant du palais, et ne t’avise plus d’y remettre les pieds. Je te le défends !

Il sort.
wolsey.

Il ne me manquait que ce dernier outrage ! — Tout est fini ! — Ah ! douteuse astrologie, tu ne m’avais que trop bien averti, en me disant qu’une femme serait ma perte. — Hélas ! Anne de Boleyn, en vous élevant jusqu’au ciel je suis moi-même tombé dans un abîme de malheur. Ah ! plaise à Dieu, ingrate qui poursuis ma perte, que tu aies un sort pareil au mien ! puisses tu finir comme moi ! puisses-tu même être condamnée par ton époux inconstant à périr de la main du bourreau !

Il sort.