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LOUIS PEREZ DE GALICE.

louis.

Laquelle ?

don alonzo.

C’est que vous ne partirez pas sans moi ; je veux et dois être à vos côtés. Il ne serait pas juste que je vous laissasse dans le péril, vous qui m’avez sauvé la vie.

manuel.

Une fois que Louis Perez est résolu à retourner chez lui, il ne partira pas seul, car il faut que je l’y accompagne. Je suis son ami, et ne le fussé-je pas, comme c’est moi qui lui ai porté la nouvelle, je me reprocherais de demeurer ici tranquille après l’avoir mis dans la peine.

don alonzo.

Celui qui a mis Louis Perez dans la peine, c’est moi ; car c’est moi qui, épuisé de fatigue, implorai son secours alors qu’il était tranquille en sa maison. Donc, puisque c’est moi qui suis la cause première de ses ennuis, c’est à moi qu’il appartient de l’accompagner. Car enfin, ne serait-ce pas une infamie aux yeux du monde entier de faire sortir un homme de sa maison et de l’y laisser rentrer seul ?

manuel.

Que vous l’accompagniez ou non, j’irai avec lui ; car si vous vous conduisez noblement, ce n’est pas une raison pour que je me comporte en lâche.

louis.

Voila une querelle généreuse ; mais, pour Dieu ! qu’aucun des deux ne vienne avec moi. Tous deux vous êtes venus ici poursuivis par un destin contraire, tous deux vous avez les plus graves motifs pour vous tenir sur vos gardes : serais-je un ami loyal, si, au moindre prétexte, je vous mettais dans l’embarras ? D’ailleurs ne serait-ce pas m’ôter une ressource pour l’avenir ?

don alonzo.

Soit ; mais alors, que l’un de nous aujourd’hui vous accompagne, et demain, si besoin est, vous retrouverez l’autre.

manuel.

S’il n’y en a qu’un qui le suive, ce sera moi.

don alonzo.

Non, ce sera celui que choisira Louis Perez.

manuel.

Volontiers. — Choisis donc entre deux amis fidèles.

louis.

Je me rends ; et forcé par vous à désobliger l’un des deux, voici ce que je décide : don Alonzo ayant beaucoup à perdre, je choisis Manuel pour m’accompagner.

don alonzo.

Quoi ! c’est vous qui parlez ainsi ! c’est vous qui préférez à la vie