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JOURNÉE I, SCÈNE I.


Entrent THOMAS BOLEYN, CHARLES et DENIS.
boleyn.

L’ambassadeur de France, qui est depuis longtemps arrivé en notre cour, demande audience.

wolsey.

Qu’il revienne plus tard. On ne peut en ce moment parler à sa majesté.

Il sort.
charles.

Qui est-ce qui vous a répondu ?

boleyn.

Je suis tenté de croire que c’est l’orgueil, la présomption et l’arrogance même… c’est-à-dire le cardinal Wolsey.

charles.

On ne vous a pas traité ainsi en France.

boleyn.

Je ne sais par quel charme inconnu Wolsey a pu captiver à ce point le prince le plus éclairé, le plus sage, le plus instruit, un prince qui aurait pu professer dans les écoles la philosophie et la théologie… Mais, pour parler d’autre chose, j’ai à vous prier, monsieur, comme un généreux Français, de vouloir bien m’accorder ce soir l’honneur de votre société… Vous connaissez ma fille, vous l’avez vue en France. C’est une personne d’une beauté accomplie. Jamais la nature n’a rien fait d’aussi charmant… Eh bien, ma fille doit être reçue ce soir même dame du palais. Cet honneur, — auquel je n’avais aucun droit, — la reine, — que Dieu garde ! — a daigné me l’accorder pour ajouter une illustration nouvelle à mon nom, et elle a amené ma fille ici avec elle. Puis-je espérer que vous voudrez bien vous trouver dans le cortége pour me faire honneur ?

charles.

Vous savez, seigneur Boleyn, que mon plus vif désir est de vous être agréable, et dans l’invitation que vous m’adressez tout l’honneur sera pour moi. Je me trouverai au cortége comme un de vos serviteurs.

boleyn.

Le ciel vous garde !

charles.

Et à vous, qu’il vous accorde des jours heureux !

boleyn.

Il est tard ; je vais m’occuper des préparatifs. Adieu.

Il sort.
denis, à part.

Comme mon maître est triste !… (Haut.) Seigneur, vous ne me parlez pas ? Le roi vous a-t-il reçu ? et vous a-t-on remis vos dépêches ?… Retournerons-nous bientôt en France ?…

charles, à part.

Oh ! non, plaise à Dieu !