Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/283

Cette page a été validée par deux contributeurs.
273
JOURNÉE I, SCÈNE II.

muley.

Tu es coupable pour avoir reçu ce portrait, même sous une menace de mort.

fénix.

Pouvais-je m’en défendre ?

muley.

Certainement.

fénix.

Par quel moyen ?

muley.

Il en est mille.

fénix.

Impossible.

muley.

Mieux alors valait mourir. Ainsi moi j’eusse fait.

fénix.

Ce fût par force.

muley.

Dis plutôt par inconstance.

fénix.

La violence seule…

muley.

Il n’y a pas eu de violence.

fénix.

Alors qu’était-ce donc ?

muley.

Mon absence a tué mon espoir ! et puisque je vais de nouveau m’absenter, sans doute je vais de nouveau être exposé aux traits de ton ingratitude.

fénix.

Il faut que tu t’éloignes. Pars.

muley.

Hélas ! je le sens à la douleur que j’éprouve[1].

fénix.

Marche vers Tanger. Je t’attends à Fez, où tu viendras achever les plaintes.

muley.

Oui, si mon chagrin me laisse vivre.

fénix.

Adieu, il faut partir.

muley.

Écoute ! me laisses-tu aller sans me livrer ce portrait ?

  1. Il y a ici un jeu de mots impossible à rendre, et d’ailleurs, à mon avis, peu regrettable. Fénix dit à Muley : Parte (pars ou partage), et Muley répond que son âme l’est déjà, partagée.

    Forzosa es la ausencia, parte.
    — Yá lo está el alma primero.