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JOURNÉE I, SCÈNE I.

Entre ROSA.
rosa.

Captifs, cessez vos chants et retirez-vous. Voici Fénix qui vient dans ce jardin, comme une seconde Aurore, réjouir ces lieux par sa présence.


Les Captifs s’éloignent. Entrent ESTRELLA et ZÉLIMA.
estrella.

Vous vous êtes levée plus belle que jamais.

zara.

Que l’Aurore cesse de croire que ce jardin lui doit ses parfums, ces roses leur couleur, et ces jasmins leur blancheur éclatante.

fénix.

Un miroir ?

estrella.

Pourquoi le consulter ? vous ne trouverez pas à votre visage un seul défaut qui appelle vos soins.

fénix.

De quoi me sert la beauté, — en supposant que je sois belle, — puisque ma vie s’écoule sans bonheur et sans joie ?

zélima.

Qu’avez vous ?

fénix.

Ah ! Zélima, si je savais ce qui m’afflige, je pourrais du moins donner des consolations à ma douleur. Mais j’ignore jusqu’à la nature de ma peine… Ce n’est point de la tristesse ; ce n’est qu’une profonde mélancolie… Je souffre et je le sais ; mais je ne sais point ce qui me fait souffrir… C’est une vague illusion de l’âme.

zara.

Puisque ces jardins, où les jasmins et les roses élèvent de tous côtés des temples au printemps, ne suffisent pas à vous distraire, — faites une promenade sur la mer… Une barque légère deviendra ainsi le char du soleil.

rosa.

Et en voyant tant d’éclat briller sur les flots, le jardin dira tristement à la mer : « Déjà le soleil s’est caché sous les ondes… Combien rapidement ce jour s’est écoulé ! »

fénix.

Rien ne plaît à ma vue… non pas même ces charmants aspects que présentent les lointains immenses de la mer et les délicieux ombrages de la terre, alors que les vagues et les fleurs, devenues rivales, disputent d’éclat et de grâce. Le jardin, enviant à la mer le mouvement de ses flots, veut l’imiter ; et favorisé par le zéphyr amoureux qui souffle sur lui de sa douce haleine, il ressemble à un océan de fleurs. La mer, de son côté, jalouse, s’efforce d’orner ses rivages, et, oubliant sa majesté, elle s’émeut, elle s’agite, et montre