Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/263

Cette page a été validée par deux contributeurs.
253
JOURNÉE III, SCÈNE V.

Je suis également en colère contre ma maîtresse parce que, depuis qu’on lui a conté l’aventure, au lieu de réciter le Salve elle ne fait que pleurer et gémir. Je ne suis pas moins fâché contre votre maître don Mendo, parce qu’il est tellement pris maintenant de la manie d’arrêter les gens, qu’après avoir fait arrêter mon maître et don Guillen, voilà qu’il fait arrêter le vieux don Lope. Je le suis aussi contre le roi…

elvire.

Tu es ivre, je crois ?

vicente.

Plût à Dieu !

elvire.

Contre le roi ?

vicente.

Certainement. J’ai reçu dans ma vie plus de deux mille soufflets, et il n’y a pas fait la moindre attention ; et pour un seul qu’on a donné à un autre, il est furieux comme un lion. — Enfin, je me plains aussi de vous.

elvire.

Je serais curieuse de savoir pourquoi.

vicente.

Parce que tout en m’adorant de toutes les forces de ce cœur amoureux, vous ne m’avez pas encore donné de sérénade, vous ne m’avez pas écrit de lettre, vous ne m’avez pas baisé la main.

elvire.

Je vous ai déjà dit que c’était Béatrix qui m’en avait empêchée.

vicente.

Mais je vous ai dit de mon côté qu’il ne faut la compter pour rien.

elvire.

Ah ! Vicente, si vous disiez vrai, je vous donnerais un baiser.

vicente.

Donnez-le-moi toujours, en vous réservant de me le retirer si vous soupçonnez que je vous ai menti.

elvire.

Il est certain qu’avec vous il faut n’agir qu’avec défiance.

Elle se laisse embrasser.


Entre BÉATRIX.
béatrix.

Grâce à Dieu, je vous trouve bons amis.

vicente.

Ciel ! voilà Béatrix.

elvire.

Eh bien ! qu’importe ?

vicente.

Qu’importe ?… vous ne tarderez pas à le savoir,