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JOURNÉE III, SCÈNE I.

vous seul, don Mendo, vous m’avez inspiré plus de crainte par une seule de vos paroles que n’ont fait tous ceux-là avec leurs armes.

don mendo.

Ce que je veux, c’est que vous rendiez votre épée, et que, renonçant à vous défendre, vous vous rendiez prisonnier.

don lope.

Moi ?

don mendo.

Oui.

don lope.

Cela est difficile.

don mendo.

Je vous promets en récompense…

don lope.

Je vous crois, seigneur, mais je ne puis y consentir, je ne puis céder à la crainte.

don mendo.

Barbare, insensé, que prétends-tu faire ?

don lope.

Mourir en tuant[1]… Mais c’est en vain que j’y suis résolu ; je ne saurais me défendre contre vous ; car à vous entendre je tremble, et à vous regarder je frémis et sens couler mes larmes. Si je veux lever mon épée contre vous, le ciel s’obscurcit à mes yeux, et la terre se dérobe sous moi.

don mendo.

Tel est le propre effet de la justice, à qui Dieu a donné le pouvoir de porter la terreur au cœur du criminel.

don lope.

Ce n’est pas cela, seigneur ; non, ce n’est pas cela ! car, bien que je me reconnaisse coupable, je pourrais cependant, comme un chien enragé qu’on a blessé, mettre en pièces tous vos hommes d’armes. C’est vous, c’est vous seul qui m’inspirez de la crainte et du respect. Et c’est pourquoi, prosterné devant vous, je mets à vos pieds cette épée terrible, qui est rougie de sang depuis la poignée jusqu’à la pointe, et moi même je me prosterne humblement à vos genoux.

don mendo, le relevant.

Lève-toi, don Lope ; le ciel m’est témoin que dans une si cruelle extrémité, toi étant l’accusé et moi étant le juge, il me serait doux de changer avec toi, et que je souffrirais moins de ton péril que de ma douleur. Mais ne crains rien en me voyant aussi sévère à ton égard ; il faut bien que je paraisse partager la colère du roi.

don lope.

Est-ce que le roi sait déjà quelque chose de moi ?

  1. Que intentas ?
    Que intentas ?Morir matando,