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JOURNÉE II, SCÈNE II.

urrèa.

Plût à Dieu que tu eusses conservé la plus faible parcelle de celui que je t’ai transmis !… Mais, seigneur don Guillen, puisque mon fils n’a aucun respect pour mes cheveux blancs, daignez m’écouter, vous, et que je trouve en vous plus d’égards que chez mon fils.

don guillen.

Vous n’avez pas tort d’y compter ; je respecte vos cheveux blancs et je dois des égards à l’intervention de ces cavaliers. Je m’éloigne donc ; je rencontrerai mon adversaire dans un autre moment et dans un autre lieu.

don lope.

Ce n’est pas mal déguiser votre peur.

don guillen.

Moi, j’ai peur !

Ils recommencent le combat.
urrèa, à don Lope.

Insensé ! barbare ! Comment ! lorsque tu vois qu’un étranger me respecte, tu manques ainsi à ce que tu me dois ! (Levant le bâton sur lui.) Vive Dieu ! il ne tient à rien que je ne l’enseigne ton devoir et ne le montre qui je suis !

don lope.

Prenez garde, et ne tenez pas plus longtemps votre bâton levé sur moi, car, vive Dieu ! je me porterais envers vous à quelque extrémité.

urrèa.

Ingrat et méchant, ton adversaire ne peut donc pas t’apprendre comme tu dois te conduire ?

don lope.

Non, car s’il a cédé à vos prières c’est par lâcheté, et la lâcheté n’est pas pour moi une vertu.

don guillen.

Celui qui dit ou pense que je le crains…

urrèa.

En a menti, je le déclare ; ne le dites pas vous-même.

don lope.

Puisque vous me donnez pour lui un démenti, vous me donnerez pour lui satisfaction. (Repoussant Urrèa, avec force, d’une main.) Tiens, voilà pour toi, vieux radoteur !

Urrèa tombe à terre.
vicente.

Qu’avez-vous fait ?

urrèa.

Que le ciel t’écrase, infâme ! Je le prends à témoin, sa cause est la mienne.

tous les cavaliers.

Tous, tous nous sommes pour vous !… qu’il meure ! qu’il meure ! il a frappé son père !

Tous à la fois attaquent don Lope, qui leur fait face à tous.