Page:Calderón - Théâtre, trad. Hinard, tome III.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.
216
LES TROIS CHÂTIMENTS EN UN SEUL.

doña blanca.

C’est à vous de permettre que je vous offre mes services.

urrèa.

Non pas ! je réclame le privilège de mon âge, et je m’offre à madame pour écuyer.

doña violante.

Comme vous êtes le maître de la maison, je serai obligée d’accepter. Mais restez avec Dieu.

doña blanca.

Que le ciel vous garde !

doña violante, à part.

Ô ma pensée ! il faut vous débattre avec ce serpent cruel qui en m’accordant la vie m’a tuée !

Urrèa s’éloigne en conduisant doña Violante par la main.
don mendo.

Si je vous permets cela, c’est que de mon côté je puis m’offrir pour écuyer à doña Blanca. (À part.) Je ferais bien, en sortant, de me soustraire à ces plaintes.

doña blanca, à part.

Il me faut ici tout mon courage. (Haut.) Où allez-vous ?

don mendo.

Je sors pour m’occuper de vous.

doña blanca.

Non, seigneur, demeurez.

don mendo.

Le ciel sait combien je désirais cette occasion.

doña blanca.

Dans quel but, si vous n’aviez pas quelque mauvais dessein contre moi ?

don mendo.

Dans le but de vous dire combien je souffre de voir vos chagrins. Hélas ! vous pourriez me répondre que je n’en dois pas être étonné ; car en partant je vous avais laissée bien malheureuse.

doña blanca.

Vous, vous m’avez laissée malheureuse ! je ne vous comprends pas. Quand ? comment ?… car il me semble que je ne vous ai vu de ma vie.

don mendo.

Ah ! Blanca !

doña blanca.

Seigneur don Mendo, laissons là un entretien si tristement commencé !… Si par hasard quelque confus souvenir vous a induit en erreur auprès de moi, qu’il reste enseveli dans le silence, et que le silence le consume. Après si longtemps vous pouvez tout oublier, car moi je ne me rappelle rien.

don mendo.

Ô Blanca ! vous vous servez merveilleusement de votre esprit !