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L’ESPRIT FOLLET.

fuyait devant lui et qui a prié un cavalier de l’arrêter, c’est elle et c’est moi… me voilà éclairé sur un point. — Mais la dame dont j’ai protégé la fuite n’est point celle qui vient ici ; car il ne se plaindrait pas de son indifférence si elle venait dans sa maison — Mais si ce n’est point sa dame, et qu’elle ne vive pas dans sa maison, comment pourrait-elle ainsi m’écrire et me répondre ? Un doute succède à un autre. Comment me conduire dans une situation si délicate ?… Que Dieu bénisse cette femme !


Entre COSME.
cosme.

Eh bien ! seigneur, comment a l’esprit follet ? L’avez-vous, d’aventure, rencontré par ici ? Je serais charmé de savoir qu’il n’est point par là.

don manuel.

Parle doucement.

cosme.

C’est que j’ai beaucoup à faire dans notre appartement, et je n’y puis entrer.

don manuel.

Qui t’en empêche ?

cosme.

La peur.

don manuel.

La peur ! toi ! un homme.

cosme.

Pourquoi pas ?… S’il n’y avait pas de motif, à la bonne heure ! Mais dans une aventure comme la nôtre…

don manuel.

Laisse là ces sottises, et apporte-moi un flambeau. J’ai à faire quelques dispositions, et à écrire. Je vais ce soir hors Madrid.

cosme.

Je m’y attendais. Cela signifie que vous avez aussi peur que moi.

don manuel.

Cela signifie, au contraire, que je suis dégagé d’inquiétude ; car tandis que tu me parles de ces folies je pense à toute autre chose… Mais je n’ai pas de temps à perdre. Prépare un flambeau pendant que je vais prendre congé de don Juan.

Il sort.
cosme.

Oui, je vais porter une lumière à l’esprit follet ; car c’est l’heure de le servir, et il ne faut pas le laisser dans l’obscurité… J’ai peine à trouver la mèche de cette lampe… Enfin la voilà prête… Ô ciel ! je m’en vais tout tremblant de peur.

Il sort.