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JOURNÉE II, SCÈNE I.

don manuel.

Ce ne serait encore rien que d’aller au palais. Mais j’ai bien une autre course. Sa Majesté se rend ce soir à l’Escurial, et il est important que je m’y trouve avec mes dépêches.

don louis.

Si je puis vous être bon à quelque chose, vous êtes libre, vous le savez, de disposer de moi.

don manuel.

Mille remercîments pour tant de bonté.

don louis.

Ce n’est pas un vain compliment de ma part.

don manuel.

C’est uniquement, je le vois, désir de contribuer à mon succès.

don louis.

Assurément. (À part.) Je voudrais en hâter le moment.

don manuel.

Mais je ne veux pas enlèver à ses plaisirs un galant cavalier tel que vous. Vous aurez, je suis sûr, quelque affaire plus agréable, et ce serait mal à moi de vous en éloigner.

don louis.

Vous ne parleriez pas de la sorte si vous eussiez entendu ce que je disais à Rodrigue.

don manuel.

Je n’ai donc pas bien rencontré ?

don louis.

La vérité est que je déplorais la rigueur d’une beauté qui ne redouterait pas mon absence.

don manuel.

Vous n’êtes pas si dépourvu.

don louis.

J’aime une beauté qui n’a pour moi que dédain

don manuel.

Vous dissimulez, je crois.

don louis.

Plût au ciel ! Mais je suis né si malheureux, que cette beauté me fuit, comme la lumière brillante du soleil fuit devant la nuit. Figurez-vous mon malheur : afin que je ne puisse point la suivre, elle a demandé à une personne d’arrêter mes pas. Vous le voyez, il n’y a point d’infortune qui égale la mienne, puisque tout le monde cherche des tiers pour se réunir à l’objet aimé, et qu’elle en cherche pour m’éviter.

Il sort avec Rodrigue.
don manuel.

Il ne pouvait pas s’expliquer plus clairement !… Une femme qui