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JOURNÉE I, SCÈNE III.

cosme.

Oui ; mais ces valises défaites, ces effets jetés çà et là, cette lettre mystérieuse, toutes ces circonstances réunies…

don manuel.

Vois si ces fenêtres ferment bien.

cosme.

Oui, monseigneur, et avec des barreaux.

don manuel.

Cela me donne des doutes et m’inspire des soupçons.

cosme.

De quoi ?

don manuel.

Je ne puis m’expliquer.

cosme.

Et que comptez-vous faire ?

don manuel.

Je me propose de répondre jusqu’à ce que j’aie découvert la vérité, et de manière à ne pas laisser croire que j’ai pu avoir la moindre crainte. Un jour ou l’autre, — dans ce commerce de billets, — nous verrons bien qui les apporte ou qui les vient chercher.

cosme.

Et ne pensez-vous pas à en parler à nos hôtes ?

don manuel.

Non. Pour rien au monde je ne voudrais nuire à une femme qui se confie à moi.

cosme.

Mais alors n’est-ce pas offenser l’homme que vous soupçonnez d’être son amant ?

don manuel.

Non pas ! ce n’est de ma part que circonspection et prudence.

cosme.

Ah ! monseigneur, il y a ici quelque chose de plus que ce que vous croyez, et mon inquiétude ne fait que croître à chaque instant.

don manuel.

Que veux-tu dire ?

cosme.

Supposant qu’il y ait ici indéfiniment un échange de lettres, et que jamais, malgré vos recherches, vous ne découvriez qui vous écrit, que penserez-vous ?

don manuel.

Qu’on est fort ingénieux pour entrer et pour sortir, pour ouvrir et pour fermer, et que l’appartement a quelque issue secrète… Enfin je pourrai y perdre l’esprit, mais je ne croirai pas à une chose surnaturelle.

cosme.

À propos d’esprit, n’y a-t-il pas des esprits follets ?