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L’ESPRIT FOLLET.


Entre COSME.
cosme.

Maintenant que je me suis occupé du service de ma personne, je vais m’occuper un peu du service de mon maître… Mais qui donc songe à vendre nos effets pour les avoir ainsi étalés ? Vive le Christ ! on dirait la place du Marché… qui y a-t-il ici ? — Par Dieu ! personne… et s’il y a quelqu’un on ne répondra pas. Fort bien… Mais cela ne m’empêche pas, à parler franchement, de mourir de peur… Enfin pourvu que ce personnage inconnu qui a tout mis sens dessus dessous ait laissé mon argent où il était !… Mais que vois-je ! mes quartos convertis en charbons !.. Esprit follet, esprit follet, qui que tu sois ou que tu aies été, rends-moi mon argent. Pourquoi me l’as-tu dérobé ? est-ce parce que moi même…


Entrent DON JUAN, DON LOUIS et DON MANUEL.
don juan.

Pourquoi ces cris ?

don louis.

Qu’as-tu donc ?

don manuel.

Que l’est-il arrivé ? parle.

cosme.

Voilà qui est un peu sans façon… Si vous avez, seigneur, dans votre maison pour locataire un esprit follet, pourquoi donc nous avez-vous invités à y venir ? Je ne suis sorti d’ici qu’un moment, et à mon retour voilà comme j’ai trouvé nos effets. Cela a l’air d’une vente à l’encan !

don juan.

Y manque-t-il quelque chose ?

cosme.

Je ne pense pas… si ce n’est mon argent à moi, qui était dans cette bourse et que je retrouve converti en charbons.

don louis.

Oui, je comprends !

don manuel.

La sotte plaisanterie ! jamais je n’ai rien vu de plus maladroit.

don juan.

Ni de plus ridicule.

cosme.

Ce n’est pas une plaisanterie, vive Dieu !

don manuel.

Tais-toi ; tu es ivre, à l’ordinaire.

cosme.

C’est possible ; mais quelquefois je n’en suis pas moins dans mon bon sens.