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JOURNÉE I, SCÈNE III.

isabelle.

Non, madame… Voici encore un paquet qui a l’air, pour le coup, de contenir des lettres.

angela.

Montre un peu… Ce sont des lettres de femme ! et, de plus, un portrait !

isabelle.

Pourquoi le regardez-vous ainsi ?

angela.

C’est qu’il est agréable de voir une belle personne… même en peinture.

isabelle.

Vous paraissez mécontente d’avoir trouvé cela ?

angela.

Que tu es sotte !… Ne cherche pas davantage.

isabelle.

Et quel est votre projet ?

angela.

D’écrire un billet que je lui laisserai. — Prends le portrait.

Elle s’assied pour écrire.
isabelle.

Pendant ce temps-là, visitons un peu la valise du serviteur. — Voici de l’argent… ou pour mieux dire de la grosse monnaie… des quartos… humble plèbe de la république où les doublons et les patagons[1] sont les rois et les princes. — Il faut que je lui joue un tour. Je vais prendre l’argent de ce valet et mettre à la place quelques charbons. — On dira peut-être : Où donc ce démon de femme a-t-elle trouvé ces charbons-là ?… Cela n’est pas difficile ; nous sommes en novembre, et nous avons près d’ici un brazéro.

angela.

J’ai écrit. Mais où pourrai-je laisser ma lettre sans que mon frère la voie dans le cas où il viendrait ?

isabelle.

Ici, madame, sous la taie du coussin. En le découvrant, il ne manquera pas de la trouver. Jusque-là personne ne s’en doutera.

angela.

Tu as une bonne idée. Mets-l’y sans retard, et dépêche-toi de ramasser tout cela.

isabelle.

Mon Dieu ! madame, j’entends que l’on met la clef dans la serrure.

angela.

Eh bien, laisse tout. — Cela restera où cela est, et cachons-nous au plus vite. — Viens, Isabelle.

Elles sortent par où elles sont entrées.
  1. Les quartos étaient une grosse monnaie de cuivre. Les doublons et les patagons étaient de la monnaie d’or et d’argent.