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JOURNÉE I, SCÈNE III.


Entre DON LOUIS. Il est suivi d’UN DOMESTIQUE qui porte une corbeille plate d’osier sur laquelle on a posé une épée.
don louis.

C’est moi, seigneur, qui suis à vous pour la vie, et qui viens me mettre à vos ordres. Et afin que l’instrument qui a fait votre blessure ne demeure plus sous mes yeux, qui ne peuvent plus le voir sans regret, je le bannis de ma présence comme un serviteur dont je serais mécontent. Voici, seigneur, l’épée qui vous a frappé. Elle vient, si elle est coupable, vous demander humblement pardon. Vengez-vous sur elle en la brisant.

don manuel.

Vous êtes noble autant que brave, et mon vainqueur en toute chose. Mais je ne briserai point une épée si précieuse. Loin de là, je l’accepte avec reconnaissance. Désormais elle sera toujours à mon côté, m’enseignera la vaillance et fera ma sécurité. Car que pourrait craindre un cavalier qui pour se défendre a vos armes ?

don juan.

Puisque don Louis m’a appris les devoirs de l’hospitalité, il faut de mon côté que je vous fasse un présent.

don manuel.

Vous me comblez tous deux, et je ne pourrai jamais reconnaître tant de faveurs.


Entre COSME, portant des valises.
cosme.

Que cinq cent, mille démons changés en autant de dragons viennent me saisir avec leurs griffes, et m’emportent d’un vol jusqu’au ciel… si je n’aimerais pas mieux vivre tranquille, riche et content en Galice ou dans les Asturies, plutôt qu’à la cour !

don manuel.

Tais-toi, sot.

cosme.

Je puis bien parler après un tel malheur[1].

don juan.

Quel malheur ?

cosme.

Il n’y a qu’un traître qui donne passage à l’ennemi.

don louis.

Que veux-tu dire avec tes ennemis ?

cosme.

C’est l’eau des fontaines.

don manuel.

Voilà ce qui te met de mauvaise humeur ?

  1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible :

    Reporta. — El reportorio se reporte.